NO et moi: une histoire d'enfant confrontée à la découverte de la souffrance et de la solitude et d'une grande adolescente brisée par la vie.
MOI, Lou Bertignac, la narratrice de treize ans, enfant surdouée, n' est pas une enfant vraiment malheureuse.
Certes, elle souffre de sa différence: elle comprend tout, tout de suite, elle a sauté des classes et se retrouve la plus petite, avec un corps d'enfant au milieu d'adolescents qui l'ignorent ou la surnomment avec une amitié protectrice, Pépite . Elle s'est créé un univers de substitution, virtuel où elle jongle avec des concepts, des statistiques sur les composantes des produits surgelés, tente des expériences, fait des calculs de probabilités pour s'y réfugier et chasser ses angoisses à défaut de pouvoir se réfugier dans les bras maternels.
Certes , elle souffre aussi de la dépression de sa mère, un peu "ailleurs"et anéantie par la mort précoce de Thaïs, sa petite soeur, mais elle "assume": elle est tendrement aimée par son père, elle a une vie matérielle facile, elle jouit d'une confiance totale et d'une certaine liberté d'action.
Mais c'est à l'occasion d'un exposé dont elle a proposé étourdiment le sujet :"Je vais retracer l'itinéraire d'une jeune femme sans abri, sa vie, enfin...son histoire.(..) Je vais interviewer une jeune femme SDF. Je l'ai rencontrée hier, elle a accepté", que sa vie va prendre un autre cours.
Bien sûr, la SDF n'existe pas encore, mais le hasard la mettra sur les pas de No, jeune fille de dix huit ans, sans famille, sans repère, en grande solitude et souffrance. No, c'est ainsi que Nolwenn dit s'appeler: No, comme le refus, comme la refusée, la rejetée, la mal aimée, celle qui n'a pas de futur. Lou l'apprivoisera et obtiendra sa confiance, son amitié farouche, elle la fera accepter par ses parents, provisoirement. A leur contact, No se socialise, reprend des forces trouve du travail mais ce qui devrait être un sauvetage se révèle un naufrage: No n'appartient plus à aucun monde. La rue ne la reconnait plus, la famille de Lou, soucieuse de la protéger, n'accepte pas ses écarts de conduite, l'alcool, la drogue. No sombre un peu plus de jour en jour, exploitée par un patron d'hôtel plus ou moins borgne, on devine que son corps ne lui appartient plus, elle s'effondre au sens littéral du terme et au sens figuré quand elle revient dans la famille de Lou.
La belle utopie de redonner à No sa dignité de Nolwenn!... Le lecteur y croit un moment, comme Lou, comme Lucas,( le grand copain de Lou, abandonné à lui-même dans sa grande maison) , comme les parents de Lou qui à son contact, ont l'air de retrouver la jeunesse, l'envie de vivre. Sans qu'elle le sache, elle apporte à chacun une occasion de se sentir utile, de donner et par là même de se sentir responsable, d'agir, de faire bonne figure, de grandir, de mûrir, d'assumer ses choix, de découvrir l'amitié ou l'amour. De fait, chacun se nourrit de No pendant qu'elle se délite.
Quand elle partira pour toujours pour l'Irlande de ses rêves, la parenthèse se refermera. Désormais, ceux qui l'avaient soutenue un temps mais qu' elle avait en réalité soutenus à leur insu, peuvent voler de leurs propres ailes...
Une belle histoire, souvent émouvante et juste : avec les meilleures intentions et de l'amour, on ne réussit pas toujours à vaincre la souffrance et la solitude. Il y a des parents qui n'aiment pas leurs enfants, des gens qui n'ont pas de rêves, qui ne connaisent pas le pouvoir des mots et de la tendresse, qui "ont dans la tête toute la vraie réalité de. la vie, en formule concentrée. La vraie réalité de l'économie, des marchés financiers, des problèmes sociaux, de l'exclusion et tout". Le constat est amer, même si des pages laissent entrevoir des coins d'espoir: Lou Et Lucas seront Heureux, c'est certain.
Roman édité chez JC Lattès en 2007. ISBN 978-2-7096-2861-7
286 pages.