27 mars 2014
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12:54
La saison des carnavals bat son plein dans les contrées de France et d'ailleurs.
J'ai pensé faire appel à Théophile Gautier pour célébrer en poésie LE Carnaval, celui de Venise.
Le poème fait partie d'un ensemble de quatre pièces, groupées sous le titre de Variations sur le Carnaval de Venise et figure dans le recueil Emaux et Camées publié en 1852 après son voyage en Italie.
Théophile Gautier y évoque divers personnages masqués et grimés de la Commedia dell'arte et sur le modèle des "Variations " du violoniste Paganini sur le thème du "Carnaval de Venise", il s'amuse à des transpositions d'art de la musique à la poésie.
Palette précieuse de correspondances et d' "affinités secrètes", ce poème à l'écriture "musicale" et aux échos verlainiens des "Fêtes Galantes" est un appel aux sens, empli de fantaisie et d'art maîtrisé.

CARNAVAL
Venise pour le bal s'habille.
De paillettes tout étoilé,
Scintille, fourmille et babille
Le carnaval bariolé.
Arlequin, nègre par son masque,
Serpent par ses mille couleurs,
Rosse d'une note fantasque
Cassandre, son souffre-douleurs.
Battant de l'aile avec sa manche
Comme un pingouin sur un écueil,
Le blanc Pierrot, par une blanche,
Passe la tête et cligne l'oeil.
Le Docteur bolonais rabâche
Avec la basse aux sons traînés;
Polichinelle , qui se fâche,
Se trouve avec une croche pour nez.
Heurtant Trivelin qui se mouche
Avec un trille extravagant,
A Colombine Scaramouche
Rend son éventail ou son gant.
Sur une cadence se glisse
Un domino ne laissant voir
Qu'un malin regard en coulisse
Aux paupières de satin noir.
Ah! fine barbe de dentelle,
Que fait voler un souffle pur,
Cet arpège m'a dit: C'est elle!
Malgré tes réseaux, j'en suis sûr,
Et j'ai reconnu, rose et fraîche,
Sous l'affreux profil de carton,
Sa lèvre au fin duvet de pêche,
Et la mouche de son menton.
Théophile Gautier (1811-1872)
Le "Carnaval de Venise" de Paganini :Thème, 20 Variations et Finale à savourer sans modération...pour un tourbillon musical .
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20 février 2014
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11:54
Cette semaine, à l'honneur pour ce jeudi en poésie, un sonnet d'une poétesse anglaise Elisabeth Barrett Browning (1806-1861) que j'ai découverte il y a peu dans la revue de culture "MUZE" n° 73
J'ai eu envie d'en savoir un peu plus sur elle et je vous donne un lien (link) qui éclaire son parcours.
Elle est passée à la postérité pour son recueil de poèmes intitulé Sonnets from the Portuguese- ( sonnets aussi connus en Angleterre que les sonnets de Shakespeare) Elle y dit admirablement le bonheur de la découverte de l'amour avec celui qu'elle épousera, le poète Robert Browning.
Voici donc le poème qui m'a retenue, traduit par Stéphanie Janicot et sa version originale
Si tu dois m'aimer, que ce soit pour rien,
sinon pour l'amour lui-même. Ne dis pas
"Je l'aime pour son sourire...son allure...sa façon
douce de parler, pour son esprit malin
qui s'accorde au mien et m'apporte
le bien-être exquis de tel jour. "
Car ces choses en soi, Aimé, peuvent
changer ou changer pour toi _et l'amour, ainsi tissé
peut se dénouer de même. Ne m'aime pas
pour les larmes qui coulent sur mes joues.
Elle pourrait oublier de pleurer, celle qui jouit
longtemps de ta présence, et ainsi perdre ton amour!
Mais aime-moi pour l'amour, pour aimer toujours,
dans l'éternité de l'amour.
If thou must love me, let it be for nought
Except for love's sake only. Do not say
"I love her for her smile-her look- her way
Of speaking gently, - for a trick of thought
that falls in well with mine, and certs brought
A sense of pleasant ease on such a day "-
For these things in themselves, Beloved, may
Be changed, or change for thee- and love, so wrought,
May be unwrought so. Neither love me for
Thine own dear pity's wiping my cheeeks dry:
A creature might forget to weep, who bore
Thy confort long, and lose thy love thereby!
But love me for love's sake, that evermore
Thou may'st love on, through love's eternity.
Elisabeth Barrett Browning
("La portugaise "serait le surnom donné à Elisabeth en raison de son teint mat)
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13 février 2014
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08:19
Pour ce jeudi en poésie, un poème de Philippe Jacottet dont la lecture m'a donné l'envie de le partager, un poème qui a eu sur moi un effet d' écho immédiat.
Les larmes quelquefois montent aux yeux
comme d'une source,
elles sont de la brume sur des lacs,
un trouble du jour intérieur,
une eau que la peine a salée.
La seule grâce à demander aux dieux lointains,
aux dieux muets, aveugles, détournés,
à ces fuyards,
ne serait-elle pas que toute larme répandue
sur le visage proche
dans l'invisible terre fît germer
un blé inépuisable?
Philippe Jacottet
(A la lumière d'hiver) éd. Gallimard
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30 janvier 2014
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09:25
Suggestion de thème pour ce jeudi en poésie 115: hasard - destin
Voici donc alliant les deux thématiques, ce poème de Charles Baudelaire, connu de beaucoup pour avoir été étudié et commenté lors de la scolarité...
Hasard de la rencontre avec une passante, caprice du destin qui sépare ...
A une passante
La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet;
Agile et noble, avec sa jambe de statue,
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil , ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté
Dont le regard m'a soudainement fait renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité?
Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais!
CH. BAUDELAIRE
Tableaux parisiens (1857)
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5 janvier 2014
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19:11
Aujourd'hui, premier dimanche de janvier, c'est le jour de l'Epiphanie, le jour où l'on fête traditionnellement l'adoration des Rois Mages venus honorer l'Enfant .
Le mot grec "Epiphanieia" signifie " apparition", celle d'un être invisible devenant soudain visible.
Stéphane Mallarmé fait de l'apparition de l'amour-femme-fée un moment surnaturel , magique, d'une poésie précieuse et délicate. Un de mes poèmes préférés écrit à Londres en 1863
Apparition
La lune s'attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l'archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l'azur des corolles.
_ C'était le jour béni de ton premier baiser.
Ma songerie cherchant à me martyriser
S'enivrait savamment du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
La cueillaison d'un Rêve au coeur qui l'a cueilli.
J'errais donc, l'oeil rivé sur le pavé vieilli
Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m'es en riant appparue
Et j'ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d'enfant gâté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets de fleurs parfumées.
Stéphane Mallarmé - Premiers Poèmes
(1842-1898)

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21 novembre 2013
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17:46
Ce poème écrit le 19 mai 1836 figure dans le recueil de Victor Hugo "Les voix intérieures" publié en 1837.
Gabriel Fauré, sans doute sensible à sa composition musicale a composé sur ses vers une mélodie , un duo pour Soprano et ténor ou deux soprani.
Puisqu'ici bas toute âme
Puisqu'ici bas toute âme
Donne à quelqu'un
Sa musique, sa flamme,
Ou son parfum;
Puisqu'ici toute chose
Donne toujours
Son épine ou sa rose
A ses amours;
Puisqu'avril donne aux chênes
Un bruit charmant;
Que la nuit donne aux peines
L'oubli dormant;
Puisque l'air à la branche
Donne l'oiseau;
Que l'aube à la pervenche
Donne un peu d' eau;
Puisque, lorsqu'elle arrive
S'y reposer,
L'onde amère à la rive
Donne un baiser;
Je te donne, à cette heure,
Penché sur toi,
La chose la meilleure
Que j'aie en moi !
Reçois donc ma pensée,
Triste d'ailleurs,
Qui comme une rosée,
T'arrive en pleurs!
Reçois mes voeux sans nombre,
Ô mes amours!
Reçois la flamme ou l'ombre
De tous mes jours!
Mes transports pleins d'ivresses,
Purs de soupçons,
Et toutes les caresses
De mes chansons!
Mon esprit qui sans voile
Vogue au hasard,
Et qui n'a pour étoile
Que ton regard!
Ma Muse, que les heures
Bercent en rêvant,
Qui pleurant quand tu pleures,
Pleurent souvent!
Reçois , mon bien céleste,
Ô ma beauté,
Mon coeur , dont rien ne reste,
L'amour ôté!
Victor Hugo (1802-1885)
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15 novembre 2013
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11:52
Pas un jour sans musique ou chant... Des répétitions et des concerts qui s'enchaînent jusqu'à Noël...Je n'y échappe pas, leur emprise est totale. Aucune autre inspiration!...
Voici donc pour rester dans la gamme, un célèbre poème de Baudelaire extrait de "Spleen et Idéal" :
La Musique
La musique souvent me prend comme une mer!
Vers ma pâle étoile
Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,
Je mets à la voile;
La poitrine en avant et les poumons gonflés
Comme de la toile,
J'escalade le dos des flots amoncelés
Que la nuit me voile;
Je sens vibrer en moi toutes les passions
D'un vaisseau qui souffre;
Le bon vent, la tempête et ses convulsions
Sur l'immense gouffre
Me bercent. D'autre fois, calme plat, grand miroir
De mon désespoir!
Charles Baudelaire
( Les Fleurs du Mal- LXIX -Ed ° de1861)
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8 novembre 2013
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La Flaque
Terre, tu baves de la boue gluante
Tu l'aspires, l'enlises.
En un" râle-mourir" il tombe, sali dedans,
Dehors.
Son corps tremble de peur, de froid.
Il l'aperçoit.
Se relever, vivre pour
L'ailleurs qui l'attire!
Un pas déchirant le délivre
Deux, puis trois l'élancent.
Il la voit mieux: elle brille
Et l'appelle.
Ivre d'elle, alors il court,
Titube, tombe
Repart et
Retombe plus lourd,
Plus bas.
Maintenant il rampe
Vers sa lumière,
Coeur d'or chaud
Emprisonné dans l'aréole
de son sein.
Elle est là, tout près
A portée de souffle.
Il se couche à son côté
Sa bouche est sur elle
Il l'effleure d'un baiser
Elle frémit et s'entr'ouvre
Sous sa caresse.
En elle il s'enfouit.
Le soleil captif s'est déjà enfui.
Noces noires.
MdP (8-11-2013)
Sur le thème de" La Flaque", proposé pour ce "jeudi en poésie" link, j'ai écrit ce poème en hommage aux soldats des tranchées , nos grands-parents ou arrières-grands parents morts dans les tranchées .
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31 octobre 2013
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Pour ces jours un peu particuliers de l'année où parler de la mort et des morts est naturel, un poème d'André Frénaud, écrit justement un 3 novembre 1961 et que j'ai découvert ce soir avec émotion.
Le voici en partage ce poème à lire avec le coeur, hommage aux disparus, chant de vie et d'amour.
Une bouffée des morts
Je n'ai rien oublié de ceux-là que j'aimais.
Ils s'étaient enfoncés, ils vont reprendre force,
me touchant à la gorge.
Sous tant d'années enfouies, la lumière ce soir
retrouvant la splendeur, une larme les monte,
les bien-aimés gisant par mes printemps défaits.
Leur donnant accès entre les grands arbres d'au-
jourd'hui,
sous les nuages d'aujourd'hui,
bousculés dans un arc-en-ciel impatient,
tous mes éclats d'enfant parmi les corps furtifs.
Je repars avec eux, loin dessous mon visage.
Je descends dans l'ombre qui nous gouverne,
faisant figure ici puisqu'ils m'ont mis au jour
ces morts, encore vivant si j'en suis la mémoire,
veilleur ou bien tombeau _ De moi aussi tombeau,
ornementé puisqu'il le faut,
d'un sourire agréable sur le revêtement.
André Frénaud ( 1907- 1993)
in "Depuis toujours déjà"-1970- éd Gallimard
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24 octobre 2013
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Au détour d'une page balayée distraitement du regard , des mots qui m'arrêtent, tant ils sont familiers :" Il passa! J'aurai dû sans doute..." Ah!, ce "j'aurais dû" si lourd de regrets !...mais pas ici!
J'ai lu en entier, j'ai relu et j'ai aimé l'écriture de cette rencontre sentimentale . J'ai eu envie de partager ce poème d'Hélène Vacaresco.
Il passa! J'aurais dû sans doute
Ne point paraître en son chemin;
Mais ma maison est sur sa route
Et j'avais des fleurs à la main.
Il parla: j'aurai dû peut-être
Ne point m'enivrer de sa voix
Mais l'aube emplissait ma fenêtre,
Il faisait avril dans les bois.
Il m'aima: j'aurais dû sans doute
N'avoir pas l'amour aussi prompt
Mais, hélas! quand le coeur écoute,
C'est toujours le coeur qui répond.
Il partit: je devrais peut-être
Ne plus l'attendre et le vouloir;
Mais demain l'avril va paraître,
Et sans lui le ciel sera noir.
Hélène Vacaresco (1864-1947)
L'âme sereine-1896
Hélène Vacaresco, femme de lettres franco-roumaine , femme au destin exceptionnel, lauréate de l'Académie Française (cf article sur Wikipédia link )
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