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18 avril 2013 4 18 /04 /avril /2013 15:00

   "Tête à claque" pour la 100éme bis du défi après "Casse-tête" pour les jeudis en poésie ... Le thème général de la quinzaine proposé par Tricôtine étant  "Môts de tête" ...et le défi un texte à écrire sur...(cf croqueurs de mots)

 Vraiment de quoi se prendre la tête!

 Pour le défi, je me suis mis martel en tête, alors j'ai eu la tête à l'envers et pour finir je suis partie bille en tête mais hélas, elle est  restée vide ma tête...

 Pour l'autre jeudi, où avais-je la tête? sur les épaules , certes, mais je ne savais plus où donner de la tête et la poésie, frrrrrrrrr, dans ma petite tête de linotte, elle s'est évaporée.

 Pour ce jeudi-ci,  une idée m'est sortie de derrière la tête sans avoir à me la creuser:  j'avais ma tête à claque à portée de main, une de ces têtes , vous savez , que le voit partout s'agiter et brasser du vent, celle qui fait si bien la mouche du coche, celle qui vibrionne en tous lieux , habile à esquiver les  coups de tapette qui se perdent...

 Déjà La Fontaine  dressait le portrait de cette espèce immortelle de tête à claque . Je le lui emprunte pour illustrer ce centième jeudi.

 

                                            LE COCHE ET LA MOUCHE

                   Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,
                   Et de tous côtés au Soleil exposé,
                             Six forts chevaux tiraient un coche.
                   Femmes, Moine, vieillards, tout était descendu.
                   L'attelage suait, soufflait, était rendu.
                   Une Mouche survient, et des chevaux s'approche;
                   Prétend les animer par son bourdonnement;

                   Pique l'un, pique l'autre, et pense à tout moment
                              Qu'elle fait aller la machine,

                    S'assied sur le timon, sur le nez du cocher;

                             Aussitôt que le char chemine,
                             Et qu'elle voit les gens marcher, 

                   Elle s'en attribue uniquement la gloire;
                   Va, vient, fait l'empressée; il semble que ce soit
                   Un sergent de bataille allant en chaque endroit
                   Faire avancer ses gens, et hâter la victoire.
                             La Mouche en ce commun besoin
                   Se plaint qu'elle agit seule, et qu'elle a tout le soin;
                   Qu'aucun n'aide aux chevaux à se tirer d'affaire.
                              Le Moine disait son Bréviaire;
                   Il prenait bien son temps! une femme chantait;
                   C'était bien alors de chansons qu'il s'agissait!
                   Dame Mouche s'en va chanter à leurs oreilles,

                               Et fait cent sottises pareilles.
                    Après bien du travail le Coche arrive au haut.
                    Respirons maintenant, dit la Mouche aussitôt: 
                    J'ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine.
                    Ça, Messieurs les chevaux, payez-moi de ma peine.

                     Ainsi certaines gens, faisant les empressés,
                          S'introduisent dans les affaires:
                          Ils font partout les nécessaires,

                     Et , partout, importuns, devraient être chassés.
                       
                                        Jean de La Fontaine
   
                                   ( Fables - Livre VII,  8)

                        

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18 mars 2013 1 18 /03 /mars /2013 17:54

                                    008.JPG         
    
                                    DUEL AU PARTERRE


                                    Pièce en un acte et trois tableaux. 

     Personnages: les pensées 
                             les tulipes


PREMIER TABLEAU

       Le soir tombe . Seule une faible lueur rougeâtre  reste dans un coin du ciel après une journée grise et terne .  Des autos passent silencieusement en arrière-fond. Un parterre dans un jardin.
 
     Les pensées dispersées  laissent tomber leurs pétales alourdis par la pluie vers une terre détrempée et hérissée de pointes vertes.

  Elles ont des livrées jaunes qui s'ouvrent sur leur coeur noir  et certaines portent des  tuniques violettes. On entend de faibles clameurs.)

   Les encerclant, des pointes vertes extrêmement vivaces et acérées: les jeunes tulipes qui croissent à vue d'oeil.
 
                                    006.JPG
 
          DEUXIÈME TABLEAU

   Les pensées: (tête penchée et découvrant leur poitrine noire. Leurs voix se font écho)
 
    - Malheur! Malheur à nous!  Nous savons maintenant...
 - Le deuil nous étreint.
     -  Pitié!
     -  Qu'elle était belle notre vie d'antan!

   Les tulipes: ( la plus grande, d'une voix de tête avec ironie)
 
     - Ecoutez-les, ces pro de la nostalgie  à la petite semaine!... "Qu' elle était belle"... quoi donc? belle cette existence étriquée, à ras de terre?
 

 Les pensées ( au début à voix basse et plaintive puis qui s'enfle peu à peu et devient exaltée)
    _ Souvenez-vous ! nous étions les plus belles de l'hiver, nos robes éclatantes sur la neige dansaient.
     -  Souvenez-vous! à nous seules nous chantions l'espoir et la joie de vivre !
   - Souvenez-vous! Nous avons résisté à tout et nous nous sommes laissé cueillir pour illuminer les chambres sombres.
    - Souvenez-vous! Parmi nous les plus courageuses  ont fleuri les parterres de la ville empestée ou  les tombes des disparus chéris.
      - (en choeur) Ne nous étouffez pas! nous aussi  nous avons droit au printemps et au soleil ! Justice!

   Les tulipes
   _ Taisez-vous, vieilles péronnelles! personne n'a plus besoin de vous!
   _ Voyez, vous êtes ternes et flétries, plus personne ne songe à vous regarder.
   _Vous n'avez même plus de parfum, à supposer qu'un jour un passant se soit penché vers vous, attiré par votre sensualité débordante! ... HA,  HA, HA!!!
 ( Toutes s'esclaffent bruyamment)

    Les pensées (relevant la tête, piquées au vif mais leurs voix s'amenuisent de plus en plus)

  De quoi aurez-vous l'air, espèces d'asperges raides  avec votre plumet  de  perroquet ? Et que croyez-vous? que l'on se contentera de vous admirer quand vous aurez  grandi à point?
 Dès qu'on vous coupera, vous baisserez le nez sous le poids de votre orgueilleuse tête soumises, assoiffées , fleurs de luxe vite fanées et délaissées dans un vase où l'eau croupit!

     Les tulipes:
( Rires tonitruants et balancements lascifs)
 
         007.JPG

         TROISIÈME TABLEAU

     Les Pensées: (voix menaçantes mais à peine audibles)
 Vous ne savez pas l'enfer qui vous attend! Vous aussi vous serez rejetées,oubliées. Vous deviendrez jaunes, marrons, vous vous dessécherez...jusqu'à ce que mort s'ensuive... Maudites...
 
   Les Tulipes( couvrant les dernières paroles  de leurs voix claires et fraîches de jouvencelles)
" Qui vivra, verra,
  Demain n'est jamais bien loin,
  Laissons-le venir, venir,
  Que sera, sera, qui vivra, verra!  ...".
 
  La nuit tombe complètement, les voix s'éteignent, les fleurs disparaissent toutes dans le noir.
 
   RIDEAU.


  MdP -18 -3-2013 pour le défi 98 de" Croqueurs de mots"  proposé par Quichottine.


  
 
 
   
 
  
  

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14 mars 2013 4 14 /03 /mars /2013 16:25

 Pas de thème dorénavant pour les jeudis en poésie mais le défi ayant trait aux fleurs, j'ai pensé à  ce magnifique poème d'Yves Bonnefoy  qui célèbre la femme-myrte et la passion amoureuse sur un arrière-plan de paysages.

¤ le myrte est un arbrisseau odorant  à petites fleurs blanches qui, chez les Romains, était consacré à Vénus

                                  LE MYRTE

        Parfois je te savais la terre, je buvais
        Sur tes lèvres l'angoisse des fontaines
        Quand elle sourd des pierres chaudes, et l'été
        Dominait haut la pierre heureuse et le buveur.

        Parfois je te disais de myrte et nous brûlions
        L'arbre de tous tes gestes tout un jour.
        C'étaient de grands feux brefs de lumière vestale,
        Ainsi je t'inventais parmi tes cheveux clairs.

        Tout un grand été nul avait séché nos rêves,
         Rouillé nos voix, accru nos corps, défait nos fers.
         Parfois le lit tournait comme une barque libre
         Qui gagne lentement le plus haut de la mer.

                      Yves Bonnefoy (1923- -) Pierre écrite (1959)
 
                       Ed.
Mercure de France, 1965

  
         le-myrte.jpg

 

 

      

               

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8 mars 2013 5 08 /03 /mars /2013 10:44

  Terminons la série des envies déclinées pour ce défi proposé par "Un soir bleu" par l'envie de rien.

      C'est si rare...et si apaisant!
 
    Ni spleen, ni  morosité dans cette absence de désirs, mais paradoxalement un rare sentiment de plénitude au sein de la nature, face aux éléments. Je l'ai ressenti parfois, mais c'est tellement subtil que je laisse Jean-Jacques, l'hyper sensible, transmettre cette brève sérénité contemplative  à travers cette page de la cinquième Rêverie.

       Quand le soir approchait, je descendais des cimes de l'île, et j'allais volontiers m'asseoir au bord du lac, sur la grève, dans quelque asile caché; là le bruit des vagues et l'agitation de l'eau, fixant mes sens et chassant de mon âme toute autre agitation, la plongeaient dans une rêverie délicieuse, où la nuit me surprenait souvent sans que je m'en fusse aperçu. Le flux et le reflux de cette eau, son bruit continu, mais renflé par intervalles, frappant sans relâche mon oreille et mes yeux, suppléaient aux mouvements internes que la rêverie éteignaient en moi, et suffisaient à me faire sentir avec plaisir mon existence, sans prendre la peine de penser. De temps à autre naissait quelque faible et courte réflexion sur l'instabilité des choses de ce monde dont la surface des eaux m'offrait l'image; mais bientôt ces impressions légères s'effaçaient dans l'universalité du mouvement continu qui me berçait, et qui, sans aucun concours actif de mon l'âme, ne laissait pas de m'attacher au point qu'appelé par l'heure et le signal convenu, je ne pouvais m'arracher de là sans effort.(...)
 
 De quoi jouit-on dans une pareille situation? De rien d'extérieur à soi, de rien sinon de soi-même et de sa propre existence (...)
 
                                                      Jean-Jacques  Rousseau
        Extrait de la 5ème Promenade- Les rêveries du promeneur solitaire- 1778


       Lavaud-barrage-15-06-2012-013.JPG                     Sur la rive de mon lac préféré, envie de rien d'autre...

 

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4 mars 2013 1 04 /03 /mars /2013 11:27

 "Un soir bleu" veut tout savoir sur nos envies pour ce défi  . Alors en confidence, je lui donne une petite partie de
    
   la liste de mes envies du moment.

        
                        

 

              Oh, j'aimerais tant dans mon horizon chimérique
 
              Avoir  du temps élastique
            
              Aller sur les terres ibériques
              m'imprégner des parfums balsamiques
              et des rythmes érotiques
              des guitares acoustiques

              Déguster des mets  exotiques
              en regardant danser magnifiques
              des andalouses à l'oeil tragique
              
              M'enivrer  de musique 
              Et comme viatique
              Garder  en moi des harmoniques 
             
              Goûter loin des agitations frénétiques
              Aux douceurs antiques
              Des fleurs et palmes prolifiques

              Jouir d'une vie éclectique
              sans  désirs astronomiques
              ni sagesse asiatique
              ni élans mystiques

               Oh ! comme j'aimerais dans mon  horizon  chimérique...
 

                                                                       MdP (4-03-2013)
 
   
               guitare-picasso.jpg
                                              Mandoline et guitare- PICASSO-1924
             
   

             
  
   
              
 
              
                   
             

            

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22 octobre 2012 1 22 /10 /octobre /2012 18:15

Pour la communauté, "Un soir bleu"(http://unsoirbleu.over-blog.com) a proposé d'évoquer un grenier, le sien ou un imaginaire.

 J'ai choisi de laisser conter son histoire au grenier lui-même.
   grenier
           


       Les dernières paroles du grenier.
 
     Moi le grenier, désormais je suis vide,  desséché, aussi vide qu'une coquille de noix croquée par un de ces loirs qui menaient joyeuses sarabandes sur mon plancher un peu disjoint.

   Vidé de ce qui faisait ma raison d'exister, je n'ai de grenier que le souvenir de mon nom.  Depuis belle lurette plus personne ne m'emplit de beau grain doré épandu sur mon plancher  ni de pommes parfumées, ni de tiges d'haricots ou de pois mis à sécher par petits fagots, la tête en bas ni d' herbes aux vertus médicinales...
     Plus personne ne me comble de cadeaux.  Des vieilleries entassées , j'en ai connues: elles attendaient qu' on vienne les sortir de leur relégation pour un bricolage ou parce que l'outil neuf avait cassé. J'en ai entendu des "on ne sait jamais, ça peut servir" ou des "on ne va pas jeter ça quand même... et le cadre tout piqué d'humidité avec les époux figés d'un autre siècle venait rejoindre les entassements de vieux objets cabossés, les casseroles brûlées et autres chariots et jouets d'enfants grandis.
    J'ai connu aussi les chaises dépaillées, bancales. On me les confiait. Qui sait, on serait peut-être content de trouver un relon à la bonne taille pour en  consolider une plus récente et avec deux , on peut en faire une!

 Rien ne se perdait. Je gardais tout. Sauf parfois les vieux papiers ou les fripes car pour ça, bonjour les dégâts si ce n'était pas rangé dans des caisses! Les souricettes se chargeaient de les lacérer, s'en faisaient des nids douillets pour leurs portées toujours prolifiques et les petits s'y faisaient les dents.
 On ne s'ennuyait pas chez moi!
 Comme il me fallait  de l'air, j'avais des ouvertures béantes et les oiseaux de nuit entraient, faisaient sentinelles aux fenestrons. Sur mes poutres et chevrons, les chauve-souris jouaient à cache-cache et les araignées tissaient à qui mieux-mieux.  J'en était amusé.
 Au clair de la lune, mon ami Pierrot est venu conter fleurette à sa  Pierrette. Charmée, la petite a succombé à ses baisers. J'ai gardé le secret!
   Je n'ai pas vu passer les ans, toujours vivant.

    Puis le silence s'est installé dans la maison.
    Tous, ils sont partis: les uns pour l'au-delà, les autres pour la ville et ses mirages.
    J'ai attendu.
 
    Un jour, j'ai entendu des pas énergiques venir jusqu'à moi. Enfin!
    Une voix impérieuse s'est mise à crier: " Quelle saleté!  Il faut enlever tout ça d'ici: ça, pour la déchetterie, ça vous le brûlez, ça , ça peut aller pour un vide-grenier!"

    C'était ma sentence de mort.

 Ils ont tout pris, jusqu'aux vases de nuit et aux aïeux dans leurs cadres... Les bêtes ont déserté.  Toutes!
 J'ai perdu jusqu'à mon nom jugé obsolète. Qui oserait dormir dans un "grenier"?
 Je suis  "des combles aménagés en chambres pleines de charme d'une maison d'hôtes"
 Nickel, je suis, meublé en kit design, avec puits de lumière et chauffage.
  On me paie très cher.
  Mais moi le grenier des souvenirs et des secrets, je n'existe plus, remplacé par les vide-placards qui s'étalent sur les trottoirs et dans les champs.
 
    Mais  quand les enfants dorment, je leur chuchote qui j'étais, en embellissant... mais rien qu'un petit peu... pour les faire rêver. Je vais devenir un lieu de  légende, mon unique survivance.
 
       
          


 

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25 septembre 2012 2 25 /09 /septembre /2012 17:55

 Publiée avec décalage, à la suite d'une erreur, voici pour répondre au défi 86 (http://hauteclaire.over-blog.com/article-a-l-abordage-defi-n-86-et-si-tout-n-avait-pas-ete-dit-110472258.html) proposé par Hauteclaire: "Et si tout n'avait pas été dit?"  pour la coquille des "Croqueurs de mots" :


  La Disparue.

 

  Depuis quelque temps l'envie nous titillait  de mettre un peu d'ordre dans tout le fatras accumulé pendant des décennies dans une grange dont nous avions fait l'acquisition sans la voir.

   " Vous la prenez en l'état" nous avaient dit  les vendeurs , à l'évidence ravis de se débarrasser à bon prix de  cet encombrant bâtiment, dernier vestige d'un vaste ensemble, le domaine de B., tombé en ruines. Entouré de mystère et devenu le domaine des rongeurs et chauve-souris en tout genre après être passée entre plusieurs mains, il impressionnait.

  Qu'à cela ne tienne! nous avions l'énorme clé en main et enfin l'outillage allait se trouver à l'abri.
 La porte ouverte, nous avons reculé  de stupéfaction:  il faudrait des mois pour venir à bout de ce capharnaüm et le travail fut courageusement remis à plus tard...jusqu'à ce que  pris d'une furia irrépressible nous retroussions nos manches.
 " Les écuries d'Augias"... ricanait la jeune férue de mythologie qui nous regardait nous escrimer sans lever le petit doigt...Mais le déblayage avançait et à la fin de l'été , nous avons aperçu les crèches_ joli nom pour désigner les mangeoires pour les vaches. Remplies pour l'heure de détritus de toute espèce, outils cassés, guenilles , boîtes rouillées et surtout  de paille sèche décomposée, il fallait oser s'y coller à cet amas vieux comme Hérode!
 On tira à la courte paille et le sort tomba sur le plus jeune? non! sur la plus vieille, c'est-à dire moi!
  Je restai seule dans la pénombre et la poussière, faisant contre mauvaise fortune bon coeur et j'y allais à grandes pelletées, jetant les détritus dans une grande remorque. Soudain  la lame buta contre une planche vermoulue qui se souleva légèrement et coinça l'outil dans la fente. Je dus me pencher, forcer pour le dégager et du coup, levai complètement le bois, mettant à nu  une cavité dans le chevron de soutien. J'y plongeai la main et en retirai un objet plat et rectangulaire,un peu mou, une sorte de portefeuille... J'enlevai les crottes de rat, vis que le paquet  n'était guère grignoté malgré tout.
   On avait pris grand soin de le protéger d'une épaisse grille de tamis et d'une espèce de toile cirée. Nul doute: j'avais dans les mains un secret dont je devais percer le mystère.
  J' ouvris l'objet avec précaution: j'avais peur qu'il ne se délite à l'air, comme les vieilles momies...
    C'était bien un portefeuille avec de nombreux compartiments: tous vides!...sauf un avec une feuille épaisse, vierge..
    J'étais déçue... Pourquoi  l'avoir si bien caché et protégé, alors?...
 Je sortis à l'air libre, le portefeuille et le carton  à la main.
 La lumière du soleil frappa la feuille et je pus lire ces mots inscrits en lettres malhabiles, pâlies par les ans:
  
       A ceux qui lisent ce manuscrit que j'écris en ce dernier jour de ma vie, je dois la vérité.

    Je laisse derrière moi des êtres chers. Ils me pleureront de m'avoir perdue. Jamais ils ne me retrouveront, j'en fais le serment. Mon secret est trop lourd à porter: je préfère disparaître  avant que la honte ne me submerge et ne m'oblige à parler. Je pars.
   Cette nuit, j'ai veillé, prié, cachée dans le foin de cette étable: ils m'ont cherchée, j'ai entendu leurs appels. J'ai pleuré. Puis ils sont rentrés à la maison. Le silence m'oppresse. Je vais partir. Je sais qu'à l'aube, ils iront voir à la rivière.  Près du tourbillon, j' aurai laissé mon ruban et une bottine et les empreintes  de mes pas sur la rive. Ils vont  croire que je me suis  noyée, égarée par le brouillard mais je serai loin déjà, sur l'océan.
     Après le deuil, je deviendrai: la disparue de B. Enfin, ils m'oublieront.
Mon enfant vivra . Je le porte en moi. Il sera américain.
      Pardon. Je les aimais.
  
         Renée, fille unique de Monsieur de B. , disparue à dix-huit ans.

  C'était donc elle, Renée la bien nommée, la dernière descendante directe de la famille B.  J'avais vu distraitement le nom dans la longue liste de l'acte notarié... Quelle femme!!!
  Cette révélation d'outre -tombe me plaçait en plein roman. Je commençais à échafauder toute une histoire , les péripéties s'enchaînaient. Je restais immobile, la lettre à la main, les yeux perdus.
 -  "Où es-tu? Que fais-tu? Il est tard!...
 -  J'arrive! un moment!..."

    Mes pas me portèrent vers la rivière. La nuit tombait quand j'y parvins.
   J'ai glissé sur les pierres et j'ai lancé le portefeuille et son secret dans l'eau courante qui filait vers l'océan.
 
                             Mimi des Plaisirs© 23- 09-2012

   
 
 
 
   

     
 
  

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10 septembre 2012 1 10 /09 /septembre /2012 08:00

  A la suite de l'écoute d'une bande sonore " Intrigue" de Patricia Dallio, proposée par ( link) Voilier comme défi de cette quinzaine, voici que ce que je redoutais m'est arrivé:

 




      Je sens son souffle qui halète, râle et grince.
    Désormais  il est tout près, il s'approche.
     Je le sais . L'heure est venue.
Depuis des nuits, il m'épie, me guette. J'ai déjà senti la brûlure de son regard à travers les ténèbres .

   J'entends.
 Ses ongles griffent le rideau.  Les fibres gémissent quand il le déchire. Zfffff...
   Je vois
 la main crispée puis le doigt pointé vers moi...
   Un éclair blanc,
   puis le  Rien .
Mon corps tombe, révulsé, exangue.

 
    D'entre mes dents serrées s'échappe un friselis de bulles rouges.

    Il rit.

  Dans sa paume béante s'épanouit un rouge camélia .
 
   De l'eau coule sur les pétales de la fleur.

    Je ris."

 


   
   
 
                MdP (10-09-2012)

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28 juin 2012 4 28 /06 /juin /2012 22:15

 Un coucou à tous, blogueurs, croqueurs, croqueuses et Cie!
Me revoici en ce soir de jeudi " en direct" sur le blog après une parenthèse de plusieurs jours et quelques articles "programmés"et... un courrier en souffrance.


  Sur le thème de "la personne" proposé  pour ce jeudi , un poème que j'aime beaucoup  écrit au XVI ème siècle par  une femme remarquable, incarnation d'une culture et d'une éducation humaniste
Rare femme à l'époque à accéder à une formation réservée aux seuls hommes,elle fut reconnue et admirée  pour les multiples et riches facettes de sa "personne".
 Dans ce sonnet elle exprime les doux tourments et désordres de la passion amoureuse et sa voix, celle du coeur , franchit les siècles avec toujours autant de finesse et de justesse.


louise-labe.jpg
  
 Je vis, je meurs; je me brûle et me noie;

 J'ai chaud extrême en endurant froidure:
 La vie m'est et trop molle et trop dure.

 J'ai grands ennuis entremêlés de joie.

 Tout à coup je ris et je larmoie,
 Et en plaisir maint grief tourment j'endure;
 Mon bien s'en va, et à jamais il dure;
 Tout en un coup je sèche et je verdoie.

 Ainsi Amour inconstamment me mène;
 Et, quand je pense avoir plus de douleur,
 Sans y penser  je me trouve hors de peine.
 
 Puis, quand je crois ma joie être certaine,
 Et être au haut de mon désiré heur
 Il me remet en mon premier malheur.


    Louise Labé
      (1524-1566)    Sonnets, sonnet 8(1555)

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14 juin 2012 4 14 /06 /juin /2012 13:35

 M'annette a proposé pour ce jeudi en poésie le thème "Changer d'air";
 Comme ces temps -ci  j'ai la tête un peu en l'air et que je ne rêve qu'à me vider la tête et à changer d'air, je fais appel à deux poètes  du XXème siècle qui ont écrit, semble-t-il, à ma convenance et à celle de la proposition de cette semaine.

         Où avez-vous la tête?               
                                                                             
   _Mais où donc avez-vous la tête?
   Mais à quoi donc pensez-vous?
images.jpg
  _J'ai la tête près du bonnet,
  J'ai la cervelle à tous les vents.

  _Mais où donc avez-vous les jambes?
  Mais où donc encourez-vous?

  _J'ai pris mes jambes à mon cou
  J'ai mis mes jambes au grand air.

  _Mais où donc avez-vous les yeux?
  Vous me rendez vraiment soucieux
 
 _ Je n'ai pas les yeux dans ma poche.
 Je les ai clairs comme eau de roche.

 _ Mais où donc avez-vous le coeur?
 Vous voulez faire mon malheur!

 _J'ai le coeur qui chante à tue-tête
 Les grandes personnes, c'est bête!

      CLAUDE ROY (1915-1997)
           Enfantasques

                                                          Approvisionnement
 
                                                       Il y a du riz chez l'épicier
                                                       A la livre au kilo
                                                       Dans un sac
                                                       Et l'on revient dans sa cuisine
                                                       Mettre son riz à cuire
                                                       C'est vite fait
                                                       Mais je préfère aller le chercher en Chine
                                                       Les malles les valises le passeport le train
                                                       Marseille
                                                       Le port
                                                       Du bleu au goudron
                                                       Un bâteau qui fume
                                                       La mer
                                                       Le jour la nuit
                                                       La mer
                                                       Et des jours et des nuits
                                                       Et d'autres et d'autres tout et rien
                                                       La mer bleue
                                                       La mer Rouge
                                                       La mer indienne
                                                       La mer de Chine
                                                       On a perdu l'heure
                                                       Sa maison ses gants
                                                       Ses souvenirs et son ciel
                                                       Tout s'est changé en eau
                                                       Et puis un après-midi on se promène en Chine
                                                       Ah bonjour Monsieur Chou- hi
                                                       Je voudrais une livre de riz
                                                       Et puisque je suis en Chine
                                                       Donnez-moi  donc aussi un quart de thé.

                                                                  Pierre- Albert Birot (1876-1967)

                                                          Les Amusements naturels 
                                               
 

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