A lire avec le sourire par les amoureux et les ennemis des chats en tout genre...car chacun s'y retrouvera.
LES ESCLAVES
Au commencement, Dieu créa le chat à son image. Et, bien entendu, il trouva que c'était bien. Et c'était bien, d'ailleurs. Mais le chat était paresseux. Il ne voulait rien faire. Alors plus tard, après quelques millénaires, Dieu créa l'homme. Uniquement dans le but de servir le chat, de lui servir d'esclave jusqu'à la fin des temps. Au chat, il avait donné l'indolence et la lucidité; à l'homme il donna la névrose, le don du bricolage et la passion du travail. L'homme s'en donna à coeur joie. au cours des siècles, il édifia toute une civilisation basée sur l'invention, la production et la consommation intensive. Civilisation qui n'avait en réalité qu'un seul but secret: offrir au chat le confort, le gîte et le couvert.
C'est dire que l'homme inventa des millions d'objets inutiles, généralement absurdes, tout cela pour produire parallèlement les quelques objets indispensables au bien-être du chat: le radiateur, le coussin, le bol, le plat à sciure, le pêcheur breton, le tapis, la moquette, le panier d'osier, et peut-être aussi la radio puisque les chats aiment la musique.
Mais de tout cela, les hommes ne savent rien. A leurs souhaits. Bénis soient-ils. Et ils croient l'être. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes des chats.
Jacques Sternberg, (1923-2006) in Contes glacés (1998 et 2009, nlle éd MIJADE)- Conte 61 sur 250.
Une invitation à découvrir d'autres textes courts sous une plume acide et incisive sur pleins d'autres sujets...