Il était une fois, c'était hier, un drôle de couple qui attendait comme d'autres, le moment de passer à la caisse d'une grande surface. Il était petit, sans force, sans beauté; elle était un peu boulotte, solide, sans grâce. Ces deux -là s'aimaient maladroitement: ils profitaient de la solitude que créait autour d'eux la foule résignée des acheteurs aux caddies pleins de victuailles et de cadeaux à offrir. Eux, ils n'avaient dans les mains que trois pizzas premier prix et des croquettes pour chat. Ils échangeaient des regards pleins de tendrese et de complicité. Parfois, il s'aventurait à chuchoter quelques propos galants qui la faisaient rire gauchement. Plusieurs fois, il avait recompté les pièces préparées puis les avait remises dans la poche. La queue s'éternisait.
Soudain, se retournant, elle resta les yeux fixés sur un présentoir garni de compositions florales très kitch. Puis elle revint lentement vers lui: "Regarde, c'est mon rêve...". Alors, sans attendre, avec un regard à attendrir les coeurs les plus secs, il lui chuchota :"Choisis celui qui te plaît". Sa voix avait la chaleur de celui qui donne du bonheur et malgré ses protestations raisonnables, extirpa un billet de dix euros roulé sur lui-même. Alors, elle s'exécuta et revint avec dans les bras, un traîneau de brandes tressées et garni de petites plantes, tiré par un renne aux yeux de verre. On aurait dit qu'elle détenait un trésor. Quand il lui fit remarquer qu'elle n'avait pas choisi les plus belles fleurs, elle lui rétorqua que c'était celui-ci qu'elle voulait: les fleurs, elle s'en moquait, elle avait "son" renne! et elle caressait du bout des doigts, avec amour, ce renne du père Noël. Elle l'avait reconnu...
Il y avait sans doute longtemps, qu'elle n'y croyait plus au père Noël, la vie avait dû lui en faire voir de belles, mais ici, dans cette galerie anonyme, elle avait comme reçu un présent inestimable. Lui, l'avait compris qui ne cessait de lui répéter: " Tu es heureuse, tu l'as ton rêve..." et elle, d'acquiescer sans un mot, le regard éperdu de reconnaisance vers celui qui lui avait offert cette figure emblématique de l'enfance retrouvée et du voyage imaginaire.
Quand elle dut poser l'animal sur le tapis roulant, elle le fit avec d'infinies précautions, pressée de le reprendre.
Ils disparurent vite dans le froid de la matinée, sans doute emportés par le renne au pays des rêves...
Ce n'est pas un conte, mais une si belle rencontre, juste avant Noël, une si belle offrande d'amour, qu'il m'a fallu l'écrire. Peut-être le plus beau cadeau en ce temps de fêtes...