Juste après la dernière note...vers minuit, hier.
Toute la journée d'hier, 9 juillet 2011, la petite église de Pranzac en Charente a résonné et vibré au rythme des concerts qui se sont succédé pour fêter et honorer l'orgue renaissance italien dont c'était l'inauguration.
Souvenez- vous, pour le W.E du Petit patrimoine, le 18 juin, j'avais évoqué cette rencontre extraordinaire avec l'orgue et son concepteur, Bernard Boulay, qui l'a entièrement fait (reprenant fidèlement des modèles et des modes de fabrication du XVIème) mis à part le clavier et la soufflerie moderne et je m'étais promis d'aller écouter les premières notes qui en naîtraient. Je vous en avais montré le coeur et les entrailles(" l'abrégé "et "le sommier"). Maintenant, il peut jouer, il est recouvert de son "buffet" de bois blond encore nu de décors et il est beau dans sa simplicité.
J' étais présente quand il a commencé à "chanter" et ce fut un moment d'une rare intensité.
Des sonates, des canzons, des toccatas du XVIème siècle, dont certains morceaux inédits, dénichés pour la circonstance, d'autres du XVIIème ont permis d'entendre cette voix si particulière de l'instrument: un son ample, plein et nuancé mais sans la grandiloquence des grandes orgues qui retentissent dans les cathédrales ou basiliques .
J'ai été étonnée par la modernité de son timbre, la souplesse aussi de ses "vocalises" et le duo suivant: orgue et contrebasse a emballé le public. Incroyable moment, jubilatoire, avec des oeuvres de Stockaüsen, de Chostakovich et surtout de Bartok. On avait l'impression que l'instrument se pliait à tous les caprices, tendre, léger ou profond. Placée comme je l'étais, j'ai pu voir le jeu de l'interprète sur un minuscule clavier, ( octave courte), le tirage des jeux ( les bois sur le côté) qui permettent une brillante interprétation.
Je cite le commentaire éclairé du facteur d'orgue, B. Boulay, sur la spécificité de l'orgue italien pour expliquer la surprise que m'a causée cette sonorité particulière:
"La dimension physique de l'orgue italien reste modeste comparée à celle des instruments des pays plus au nord. L'invention du soufflet cunéiforme(...) permet de délivrer un vent de faible pression ce qui donne aux tuyaux une harmonie très caractéristique, résolument favorable à la polyphonie"(...)
La musique italienne se satisfait généralement d'un seul plan sonore où s'étage la synthèse des jeux sonnant les octaves, quintes et tierces du son fondamental (le Principale) pour former le très brillant "ripieno". Cette simplicité de structure permet d'agencer des mécaniques légères , au service du toucher et du génie de l'organiste".
Le soir, troisième concert: l'orgue était en dialogue avec deux violons baroques d'époque et le programme, extrèmement fourni, a exalté les sonates de Corelli, Albinoni et Vivaldi. La dernière, la sonate de Vivaldi avec orgue concertant RV779 en do majeur, a été du pur bonheur, les violonistes Guillaume Rebinguet- Sudre et Alix Boivert et l'organiste , le jeune et talentueux Thomas Pellerin, devant faire preuve d'une virtuosité et d'un brillant à ravir les oreilles les plus réfractaires à la musique...L'orgue a montré quelles étaient ses ressources inouïes, et encore , pour l'instant , il n'y a que quatre jeux complets!!!
Il reste à imaginer le plaisir de l'écoute lorsque la souscription permettra des jeux de tuyaux supplémentaires!
C'était assez extraordinaire d'avoir le privilège d'entendre des musiques aussi belles dont la sonorité était sublimée par les voûtes romanes de l'édifice du XIIème siècle, de se dire qu'un instrument comme celui-ci, François Ier, né à deux pas d'ici et amoureux de l'Italie, avait dû en écouter de semblables...Voyage à travers le temps passé et projection vers un futur de concerts et de découvertes pour les générations à venir...grâce à l'initiative du musicien passionné qu'est Thomas Pellerin (au clavier sur la photo) et à la persévérance de l' Association "Les secrets de Pranzac", à l'oeuvre pendant plus de cinq ans...