On lit ce livre en une heure environ et on le quitte bouleversé.
Il s'agit d'un échange entre une mère et sa fille, par Post-it sur le frigo de la cuisine. Jamais la rencontre entre elles ne se produit dans l'espace du roman. Quand elles se sont croisées ou qu'elles pensent passer du temps ensemble, le lecteur en est avisé en décalé: cela crée un effet de frustration, d'incomplétude qui cadre bien avec la situation" réelle".
En effet, elles se ratent souvent physiquement, se font des cachotteries, mentent souvent par omission pour se protéger mutuellement: maman est médecin- accoucheur avec bien sûr des horaires fluctuants, des nuits de garde; Claire, lycéenne, a aussi des soirées prises par le baby-sitting, des rendez-vous avec son petit ami Michaël, elle va dormir chez son père de temps en temps. Sur les mots, elles dressent des listes de courses, résument les évènements du jour, importants ou anodins, se donnent des conseils et des bises affectueuses:
Bonne chance pour ton contrôle aujourd'hui ma chérie,
Désolée de ne pas être là pour le petit déj'.
La cage de jeannot a besoin d'être nettoyée.
A ce soir
Bises, Maman.
P-S:N'oublie pas ta clé!
ou bien Tu me manques, ne t'inquiète pas pour moi
Elles s'aiment fort mais malgré tout vivent en parallèle.
L'histoire commence en janvier, se termine fin septembre. Neuf mois, juste le temps d'une gestation menée à son terme: Maman développe un cancer du sein. Comment vivre la maladie quand on en connait toutes les phases et les symptômes? Comment et quand le dire à sa fille? Comment vivre dans l'insouciance quand on sait sa mère atteinte? La vie continue: perdurent les problèmes d'argent de poche, de tongs à acheter, les chagrins d'amour, lapin Jeannot à nourrir en carottes, le souci des fréquentations de Claire pour sa mère, les fâcheries et les bouderies. Quand Claire saura enfin la vérité, ce sera l'espoir à garder malgré tout, l'épuisement lié aux traitements, la faiblesse grandissante...les mots que l'on ne saura ou ne pourra pas dire à temps, ceux qui sauront dire la souffrance et l'amour. .
C'est terrible à lire et pourtant aucun pathos ni mélo. Du rythme, beaucoup de sobriété qui n'empêche pas l'expression de la révolte, des effusions, de la peine. Incapables de parler vraiment de "ça", elles esquivent, croient en des lendemains et seul le papier permet l'expression sincère, de plus en plus intime au fil des jours. Mère et fille deviennent complices et se comprennent mieux désormais. Les mots sur le frigo, parfois lapidaires, sont de vrais mots d'amour. Par exemple, à la mi-juin:
Quand je te regarde
Je vois la femme que je veux être
Forte et courageuse
Belle et libre.
Claire
P-S: Je t'aime
Récit fragmentaire de l'indicible tragédie, ce livre donne un témoignage émouvant, d'une belle et fragile humanité. Peu de mots, des mots simples, de tous les jours pour dire la maladie, la vie et la mort , la force de l'amour. Témoignage, autobiographie? je ne sais pas, mais ces pages sonnent si vrai...
Publié en avril 2008 pour la traduction française aux éditions Albin Michel , 238 pages. _ ISBN-13:978-2-226-18229-6, Ce roman publié en langue originale en 2007, est le premier d'une jeune anglaise qui vit désormais au Canada.