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Hier, je n'ai rien pu raconter tellement j'étais bouleversé par ce qui m'est arrivé...
Maintenant, j'ai mis un peu d'ordre dans ma tête et dans mon coeur et je pense parvenir à mettre des mots sur cette aventure d'un genre inédit à laquelle je ne sais pas trop comment réagir.
Avant de dire comment ça s'est passé, je vous le confie tout à trac, sans ambages et sans circonlocutions inutiles: JE SUIS AIME!!!!!!!, AIME, oui, par une jolie chatte aux yeux bleus, exotique et charmante.
Elle me l'a fait savoir hier, par cette journée magnifique, chaude et propice aux épanchements sentimentaux par des roulades et des étirements qui mettaient sa superbe croupe en valeur et par des modulations tremblées dans la voix. D'abord, je n'ai pas compris du tout son message corporel: j'ai admiré, tout benêt que je suis, la souplesse et l'aisance de ses mouvements, l'élégance de ses reptations vers moi et son chant guttural aux inflexions flamenca-andalouses...
Je suis resté à l'écouter, à la regarder, profitant à plein de ce spectacle inattendu offert au chat des villes en cadeau de bienvenue, du moins à ce que je croyais, par une indigène de la contrée. Au bout d'un moment, le numéro ne se renouvelant guère, j'ai eu envie de lui proposer de jouer avec moi... à la souris par exemple? et je me suis approchée d'elle pour l'y inviter. Je roulais un peu des mécaniques car je voulais moi aussi me présenter sous mon meilleur profil, lui faire honneur, en quelque sorte être digne d'elle comme compagnon de jeu! C'était ma manière de la remercier également et de lui montrer que j'avais apprécié.
Je m'approche donc assez près et...subitement elle se fige dans un arc parfait en me montrant son potron-minet. Je m'arrête, interloqué. L'aurais-je offensée? Que nenni! Au contraire, elle se lance dans des roucoulades éperdues dont je ne comprends pas un traître mot. Il ne manquait plus que ça: c'est une chatte ANGLAISE!!! Toutefois, aux intonations et surtout à un "I love You" (les seuls mots anglais que j'ai assimilés des films en V.O...) glissé dans un miaoû, je perçois nettement la signification de ce bel canto: elle se donne toute à moi!
Panique! que lui dire, que faire? Oui, je suis un faussaire et je n'ai de mâle que la taille et le crâne un peu large! Un bel eunuque, certes, mais un eunuque!
Malheur! malheur de malheur!
J'étais sur le point de lui avouer mon infortune en implorant sa compréhension quand je fus sauvé de cette humiliation par Son appel pressant: "Fil de soie", reviens!". Je n'avais plus d'autre choix que d'obéir à ma Maîtresse et d'abandonner la petite chatte éplorée à son chagrin d'amour. J'ai hésité un peu, elle me faisait pitié ainsi délaissée, mais belle comme elle l'était, elle séduirait vite un autre chat, me suis-je consolé en mon for intérieur.
Je ne l'ai pas revue aujourd'hui et je suis triste. A mon avis, elle est chez elle en train de réfléchir à une nouvelle qui lui ferait oublier sa déception. L'écriture, c'est très efficace, paraît-il. Elle pourrait l'intituler" Peines de coeur d'une chatte anglaise" mais le grand Honoré de B. l'a déjà utilisé...
Quant à moi, je sublimerai: j'ai bu le philtre d'amour dans ses yeux et elle m'a ensorcelé. Je rêve qu'"elle est debout sur mes paupières" comme l'avait écrit Eluard de la femme aimée... Il me reste ce jardin secret, heureusement!
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