Thème du jour proposé par Vert de Grisaille:" en musique, alité!"
La musique , en poésie c'est Verlaine. Et un Paul Verlaine alité, malade, qui écrit des Epigrammes... pour s'amuser, voici de quoi relever le jeu poétique suggéré aujourd'hui.
Depuis l'hôpital St Louis, pavillon Gabrielle, en mai-juin 1894, il écrit en exergue:
L'opuscule que voici fut écrit par un malade qui voulait se distraire et ne pas trop ennuyer ses contemporains. En conséquence la postérité est priée de n'y voir qu'un jeu.
Verlaine y pastiche ses propres créations, en particulier ici à la fois l'inspiration de Melancholia et des Fêtes Galantes avec une subtile dose de libertinage:
Il ne faut plus qu'un air de flûte,
Très lointain en des couchants éteints.
Je suis si fatigué de la lutte
Qu'il ne me faut plus qu'un air de flûte
Très éteint en des couchants lointains.
Ah, plus le clairon fou de l'aurore!
Le courage est las d'aller plus loin.
Il veut et ne peut marcher encore
Au son du clairon fou de l'aurore:
C'est d'un chant berceur qu'il a besoin.
La rouge action de la journée
N'est plus qu'un rêve courbaturé
Pour sa tête encor que couronnée,
Et la victoire de la journée
Flotte en son demi-sommeil lauré.
Femme, sois à ce héros, qui bute
D'avoir marché sans cesse en avant,
L'huile sur son corps après la lutte:
-Plus de clairon fou: la molle flûte!
La paix dans son coeur dorénavant.
PAUL VERLAINE (1844-1896)
EPIGRAMMES, VII (1894)
On retrouve comme un écho détourné, parodié, les magnifiques vers Des paysages Tristes , ceux du fameux poème:
Soleils Couchants
Une aube affaiblie
Verse par les champs
La mélancolie
Des soleils couchants.
La mélancolie
Berce de doux chants
Mon coeur qui s'oublie
Aux soleils couchants.
Et d'étranges rêves,
Comme des soleils
Couchants sur les grèves,
Fantômes vermeils,
Défilent sans trêves,
Défilent, pareils
A des grands soleils
Couchants sur les grêves.
Paul Verlaine
PREMIERS VERS
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