L'article du journaliste Jean-Claude Guillebaud paru la semaine dernière dans Sud-Ouest- dimanche 6 mars a pour titre " Un renard dans les phares" et narre une rencontre nocturne avec les animaux de la forêt de la Braconne en Charente. Mais n'est pas que cela...
Je destinais le journal au sac de recyclage lorsque j'ai été amenée à le parcourirlaujourd'hui, intriguée par un titre aussi insolite dans une actualité aussi chargée. Le séisme du Japon et les catastrophes associées ne s'étaient pas encore produits mais la Lybie était déjà à feu et à sang.
Pour ma part, je me trouvais alors dans un état de morosité et d'inquiétude qui m'empêchait d'écrire, de lire, de bloguer même... Aussitôt j'ai accroché à la première phrase:Il faut parfois rompre avec l'habitude, changer de regard, poser son sac. J'en ressentais tellement le besoin que je l'ai suivi dans son aventure.
Oh, rien de très extraordinaire que cette aventure: deux chevreuils qui s'éloignent sans hâte, dérangés par les phares puis un renard qui quitte la lisière du bois...Un provincial en est coûtumier! Et pourtant cette apparition déclanche un sursaut de conscience, un" vrai bonheur",écrit-il, à fuir les spéculations et à retrouver le concret des choses et du printemps. Il descend de voiture dans la nuit: L'air était vif mais sentait l'herbe mouillée, le bourgeonnement, la sève au travail dans les palisses, de quoi remettre d'aplomb tout un monde intérieur.
Et puis il laisse libre cours à ses pensées fécondes, philosophie accessible et sensible: si nous sommes émus par le passage de ces animaux sauvages, tout comme par les putois, les blaireaux, les sangliers, c'est parce que furtifs, ils incarnent une liberté dont nous avons perdu l'usage .et oublié la saveur.(...)Ils vivent véritablement ailleurs. Ils tiennent tête , en somme, à tous les bétonnages(..)au monde"civilisé". Ils nous rappellent qu'il existe encore des interstices intouchés et nous relient secrètement à ce que j'appelle"la vie vivante" .
Pour Guillebaud, cette vie s'oppose à notre univers organisé,évalué, etc...et donc de ce fait irréel. "La vie vivante" c'est ce qui échappe aux chiffres, à l'hégémonie de l'immatériel.
Pour tout dire, les phrases qui m'ont le plus touchée et sortie des vaines spéculations sont celles-ci que je reproduis ici pour m'en souvenir et vous les faire partager:
Il est encore plus important de prêter attention à cette vie têtue qui perdure, jour après jour , dans nos campagnes. Elle nous préserve de la frivolité sans chair. Elle nous arrache à ce que Platon appelle "le ciel des idées" pour nous ramener vers le sol, c'est-à-dire dans la vraie vie.
Le parfum du printemps et "le renard dans les phares" un soir en Charente, simplement la vie retrouvée et victorieuse.