" Hier, j'étais trop lasse pour me lancer dans un tel défi et les jours d'avant, oh, là laà, pas une minute à moi! alors , aujourd'hui, pour vous délasser et me faire pardonner, je vais vous raconter une histoire vraie, celle de Léon, dit Le Lacet ...
- Pourquoi " dit Le Lacet?"
- Attendez, ne soyez pas pressé, vous allez savoir tout à l'heure!..
Donc, Le Lacet s'est arrêté au bord de la petite route, la C 43.
-???....
-Mais si, vous savez, celle qui serpente en lacets jusqu'au col de la Grolle, dans le massif de Patte Folle, au nord du département, celle qui verglace chaque hiver et transforme les semelles en palettes à skier!!!...
C'est là exactement, sur la C43 à l'embranchement de la C 59, au gros chêne que l'histoire s'amorce. On est en décembre justement et Le Léon commence à se lasser du voyage: il n'aurait jamais dû s'attarder à la foire, la nuit ne va pas tarder à tomber. La pente est raide et il commence à trouver le temps long: sa petite Ligier, déjà très poussive, renâcle maintenant quand il passe les vitesses. Il pense , à juste titre, que le moteur chauffe et qu'il serait bon de s'arrêter un moment et puis que ça lui permettra de se dégourdir un peu les pieds trop serrés dans ses grosses chaussures de montagne, de se soulager...bref, pour abréger, de se délasser.
Il s'arrête , comme il se doit, et dos à la chaussée, il se plonge dans la contemplation de la vallée enneigée, scintillante sous le pâle soleil couchant...Une pierre accueillante reçoit son postérieur : Léon est un peu las, c'est vrai, de cette vie solitaire et il médite à sa manière sur le moyen de la peupler. Il a une idée:" Je vais faire comme si j'étais blessé!" . Vite, il délace ses lacets, ôte une chaussure, et se prépare à claudiquer à l'approche d'un être humain. Il prévoit tout: les gestes angoissés, les feux de détresse, le corps un peu désarticulé..." On sera bien forcé de s'arrêter et de s'intéresser à moi", se dit-il avec une certaine jubilation, sûr de son stratagème. Des minutes passent, vides: rien, pas une silhouette, pas même des oreilles d' animal trompé par l'immobilité du bonhomme... Dépité et de guerre lasse, il se résoud à repartir, seul, une fois encore vers son trop connu et morne quotidien. Son esprit , lassé de tant d'attente vaine, erre sur les chemins noirs du désespoir. Il trébuche, pris de vertige devant le néant de son avenir et s'affale sur la neige durcie, cogne contre une roche qui affleure....Il croit s'évanouir de douleur...Il ne peut plus bouger et le sang s'écoule en abondance.
La neige tombe maintenant sur lui, il ne la sent pas. Il ne sent plus rien. Il va mourir sur ces hauteurs...Il s'abandonne sous le doux manteau qui le couvre maintenant.
Soudain bizarrement, à travers le tissu lacéré du pantalon, il croit sentir -mais il rêve, ce n'est pas possible!...-, des doigts qui l'effleurent avec un soin , une délicatesse infinie alors qu'une lumière vive transperce ses paupières closes. "Je suis arrivé au paradis, je navigue dans l'au-delà" se répète-t-il avec délectation . Le Léon avait des notions assez précises de l'Eden!...Il est heureux comme il ne l'a jamais été!
"Et dire que ça va durer toute l'éternité!... Après tout, je l'ai bien mérité!" récite-t-il comme une prière magique en prenant son pied.
En fait, il ne se trompait pas tant que cela: La Léone était entrée dans sa vie et l'enlaçait. Il était sauvé.
Quand Elle l'a trouvé, il avait de grosses chaussures entièrement délacées. Il avait simplement marché sur son lacet!
Depuis, Léon dit Le Lacet porte en bracelet son lascif lacet porte-bonheur.
Voyez-vous, il n'est pas si grave de marcher parfois à l'aveuglette sans se lasser et sans lacets lacés: le mauvais sort finit par se lasser...
L'histoire est finie... Il est maintenant temps d'aller croquer autre chose que des mots!
Mimi des Plaisirs (18-10-2011)
Avant de partir:... Sauriez-vous dire combien il a fallu lacer de lacets avant la happy-end des deux enlacés?