Quel bonheur de savourer un récit comme celui-ci!
Composé de huit retours vers l'enfance de l'écrivain- narrateur, il offre autant de moments de bonheur, de fraîcheur, de tendresse, de larmes aussi...
De vrais" bonbons assortis", comme le titre éponyme de la première histoire, que l'on ne peut pas garder pour soi tant ils apportent de réconfort.
On sourit, on rit, on s'attendrit, retrouvant par la grâce de la narration , les plaisirs et les petits drames de nos cinq ans et plus, jusqu'à la fameuse première communion et ses souliers vernis
L'adulte sait dire ses naïvetés et sa foi inébranlable en la parole de ses parents au temps où il était petit enfant et les tendres mensonges, comme celui du Père Noël, que l'on développe autour de lui. Son regard, ses oreilles captent et interprètent tout ce qui se dit et se passe dans son son entourage, les réactions des uns et des autres aux menus événements de leur existence. Il analyse ses envies, ses dilemmes avec une lucidité amusante. II se met en scène sous l'immense table de la salle-à-manger, épiant les adultes et découvrant leurs secrets, ou déçu par l'affreux Teddy Bear qu'il a reçu à la place de la "catin " espérée.
Il sait réanimer l'ambiance de la grande maison où vivent trois générations avec leurs disputes, leurs discussions rituelles au sujet, entre autres..., de la cannelle à ajouter aux tartes aux pommes de Noël, prétextes à s'asticoter entre femmes. Il sait de quelques répliques ou phrases bien senties, croquer sa mère, sa grand-mère, ses tantes et ses cousins, les voisins.
A sa suite, on pénêtre dans l'intimité de la famille de Michel Tremblay, mais c'est toujours avec un regard empli d'affection, le sourire toujours prêt à jaillir.
Comme on aurait aimé les rencontrer, ces gens-là, terriblement drôles et simplement humains!
Et les entendre aussi "pour de vrai"...
Pour moi, française de France, la langue de Tremblay, pleine d'expressions et de tournures, de mots inconnus aux connotations "exotiques", m'a fait l'effet d'un baume de bonne humeur et de poésie. Ainsi, lorsque Michel rentre à la maison , après avoir fait une gaffe monumentale, sa mère le gronde:
J't'avais bien dit de ne pas rentrer là, aussi. De donner le maudit cadeau sans rien dire, de retraverser la maudite rue pis de remonter le maudit escalier pour rentrer dans notre maudit appartement! C'était facile, non, mais non! Y fallait que t'ailles faire ton smatte, là, dans l'espoir d'avoir un batteur à malaxeur électrique à licher, je suppose, pis que t'ouvres ta grande boîte que t'es pas capable de tenir fermée même si on te la coud avec du gros fil numéro dix!
Michel Tremblay, l'adulte, à cinquante ans de distance rend compte de ses sentiments, de ses chocs émotifs dans une langue classique: Pour la première fois de ma vie, je pouvais entrevoir la place prépondérante que je tenais dans le coeur de mon père et j'en étais foudroyé. Même si sa vision de moi, en fin de compte , était pas mal idéalisée, parce qu'il décrivit peu l'enfant que j'étais et beaucoup celui qu'il aurait voulu que je sois. Il rend ainsi facilement perceptibles les temps du récit comme quand il présente la découverte de l'amour paternel dans l'extrait cité.
Effet sans doute d'une belle réussite littéraire, l'enfance de Tremblay devient un peu la nôtre sur le mode fantasmatique (même si on est une fille!) et le petit Michel fait notre conquête. On aime sa sensibilité et sa capacité à s'émouvoir, ses petites ruses.
Un régal que ce petit livre choisi sur des rayons au petit bonheur la chance. j'ai eu la main heureuse, cette fois-ci.
Michel Tremblay est un écrivain québécois né en 1942, auteur d'une trentaine de pièces de théâtre et d'une vingtaine de récits et de romans.
"Bonbons assortis" a été publié en 2002 aux éditions Actes Sud. ISBN 2-7427-4029-5 et aux éditions Léméac ISBN 2-7609-2280-4 pour le Canada.
NB: Quelqu'un peut-il me dire ce que sont "les pinottes" pour les québécois?