Il faut commencer la visite de Guggenheim par l'extérieur, côté ria, s'arrêter au pied de la sculpture d'Anish Kapoor qui s'intègre dans les prismes et les arêtes du musée comme une tendre salutation.
Une nouvelle entrée en matière d'art contemporain, époustouflante de légèreté sur les rives du fleuve Nervion: L'arbre et l'Oeil.
Sur un socle au milieu d'un bassin aux eaux limpides, s'élève un arbre composé de quatre-vingt sphères d'acier poli comme un miroir. S'y reflètent à l'infini, par les jeux subtils de l'optique, le paysage urbain de l'autre côté du fleuve, les immeubles anciens, l'eau scintillante et dans le même temps l'architecture d'équilibriste du musée conçu par le génial Gehry et les reflets sans cesse changeants des passants. Les sphères semblent s'animer d'une vie propre, tenir par enchantement les unes aux autres, par un point de contact infime. Elles paraissent fragiles comme des baudruches, prêtes à s'envoler au moindre souffle et pourtant suggèrent une cohésion à toute épreuve...Art subtil que de faire voir à la fois les quatre éléments: l'eau pour la base, la terre avec la solidité des matériaux sortis de ses entrailles, l'air enclos dans ces ballons d'acier et le feu par le soleil et la lumière qui s'y mirent à l'infini.
On pense aussi à une danse, tant les contorsions de la sculpture l'animent d'une sorte de déhanchement presque lascif. Il est très féminin, cet arbre: il fascine, retient le regard, arrête le plus blasé à ses côtés. La main avide a envie de le toucher, d'en caresser la peau d'acier brillant, Mais non, il est trop loin : il se laisse admirer, mais ne se laisse pas saisir.
Feu follet , il change selon notre regard, notre position et cadeau suprême, il donne le bonheur de créer, de le façonner, de le colorer. Chacun devient artiste, en joue à sa guise.
Musique des sphères?
Oeil aux mille facettes?
Représentation macroscopique de l'infiniment petit, d'un atome, celui de la création ininterrompue de l'univers?...
L'arbre et l'oeil , oeuvre magnifique, en impose à tous ceux qui l'approchent. Son empreinte est douce et violente, capte le regard et invite à la contemplation malgré la formidable présence bourdonnante de la foule et de la ville.
L'oeil photographique a coupé l'arbre: vous avez votre part de rêve...A vous de le prolonger vers le ciel...