3 octobre 2013
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Hommage au prix Nobel de littérature1995, Seamus Heaney, poète irlandais décédé cet été,
Hommage personnel aussi à mon père, à mes ancêtres que je retrouve dans ces vers, je publie aujourd'hui cet extrait d'un texte que j'ai découvert en feuilletant un magazine et que j'ai recopié avec émotion, prélude à l'achat du recueil.
J'avais envie de le partager. Le voici, dans cette magnifique traduction d'Anne Bernard Kearney et Florence Lafon.
Creuser
Entre mon doigt et mon pouce
Le stylo trapu repose; comme un pistolet.
Sous ma fenêtre, le crissement net
De la bêche qui plonge dans le sol caillouteux:
Mon père qui creuse. Je le regarde.
Jusqu'à ce que ses reins tendus parmi les plates-bandes
Se courbent à terre, remontent vingt ans après
Se voûtent en rythme dans les sillons de pommes de terre
Où il creusait.
(...)
L'odeur froide de la terre remuée, le gargouillis
De la tourbe détrempée, les courtes entailles d'une lame
Au travers de racines vivantes s'éveillent dans ma tête.
Mais je n'ai pas de pelle pour suivre de tels hommes.
Entre mon doigt et mon pouce
Le stylo trapu repose.
Je creuserai avec.
SEAMUS HEANEY
Poèmes 1966-1984
(Ed. Gallimard)
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26 septembre 2013
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En ce jeudi j'ai pensé à convoquer Joachim du Bellay et son désenchantement de Rome, la ville éternelle, pour illustrer d'une certaine façon le thème proposé pour cette session des Croqueurs de mots, à savoir le très paradoxal : RIEN.
En 1558, dans le recueil publié à son retour en France, "Les Antiquités de Rome", il mesure l'immense désillusion que lui a donnée ce séjour et le profond sentiment de la vanité des entreprises humaines. Non, RIEN n'en reste, même des plus prestigieuses. Un poème qui donne à méditer ...
Nouveau venu qui cherches Rome en Rome
Et rien de Rome en Rome n' aperçois,
Ces vieux palais, ces vieux arcs que tu vois,
Et ces vieux murs, c'est ce que Rome on nomme.
Vois quel orgueil, quelle ruine: et comme
Celle qui mit le monde sous ses lois,
Pour dompter tout, se dompta quelquefois,
Et devint proie au temps, qui tout consomme.
Rome de Rome est le seul monument,
Et Rome Rome a vaincu seulement.
Le Tibre seul, qui vers la mer s'enfuit,
Reste de Rome. Ô mondaine inconstance!
Ce qui est ferme est par le temps détruit,
Et ce qui fuit au temps fait résistance.
Joaquim du Bellay (1522-1560)
(Antiquités de Rome, sonnet 3- 1558)
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19 septembre 2013
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C'est jeudi, alors pas question de ne pas trouver le temps du poème, même si c'est un exercice de haute voltige entre les impératifs de l'après-midi !
Aujourd'hui alors que les feuilles mortes commencent à tourbillonner, j'ai retenu un hommage au poète Jacques Prévert et au musicien Joseph Kosma. Voici, avec son souffle si particulier, un poème -chanson de Serge Gainsbourg devenu un "classique" , à lire autant qu'à écouter.
La Chanson de Prévert
Oh je voudrais tant que tu te souviennes
Cette chanson était la tienne
C'était ta préférée je crois
Qu'elle est de Prévert et
Kosma
Avec d'autres bien sûr je m'abandonne
Mais leur chanson est monotone
Et peu à peu je m'in-
Diffère
À cela il n'est rien
À faire
Peut-on jamais savoir par où commence
Et quand finit l'indifférence
Passe l'automne vienne
L'hiver
Et que la chanson de Prévert
Cette chanson LES FEUILLES MORTES
S'efface de mon souvenir
Et ce jour-là
Mes amours mortes
En auront fini de mourir
Serge Gainsbourg (1928-1991)
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12 septembre 2013
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20:41
Sous le crachin presqu'automnal, un jeudi soir plutôt morose, une inspiration qui ne l'est pas moins dans ce poème de Pierre Reverdy, voici ma participation du jour :
Je suis dur
Je suis tendre
Et j'ai perdu mon temps
A rêver sans dormir
A dormir en marchant
Partout où j'ai passé
J'ai trouvé mon absence
Je ne suis nulle part
Excepté le néant
Mais je porte caché au plus haut des entrailles
A la place où la foudre a frappé trop souvent
Un coeur où chaque mot a laissé son entaille
Et d'où ma vie s'égoutte au moindre mouvement.
Pierre Reverdy
(La liberté des mers- 1959)
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5 septembre 2013
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14:38
Pas de thème particulier pour ce jeudi de rentrée poétique mais aux "Croqueurs de mots", Tricôtine, hélas, quitte la barre . Sa dernière proposition pour lundi est l'écriture d'une lettre d'adieu.
Pour rester dans la ligne d'inspiration de ce défi et en clin d'oeil amical , j'ai choisi un poème de Robert Desnos , hommage- adieu plein d'humour à un disparu.
C'était un bon copain
Il avait le coeur sur la main
Et la cervelle dans la lune
C'était un bon copain
Il avait l'estomac dans les talons
Et les yeux dans nos yeux
C'était un triste copain
Il avait la tête à l'envers
Et le feu là où vous pensez
Mais non quoi il avait le feu au derrière
C'était un drôle de copain
Quand il prenait ses jambes à son cou
Il mettait son nez partout
C'était un charmant copain
Il avait une dent contre Etienne
À la tienne Etienne à la tienne mon vieux
C'était un amour de copain
Il n'avait pas sa langue dans la poche
Ni la main dans la poche du voisin
Il ne pleurait jamais dans mon gilet
C'était un copain
C'était un bon copain.
Robert Desnos (1900-1945)
Langage cuit- 1923 publié dans Corps et biens , 1953
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22 août 2013
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17:51
L'été de tous les festivals, souvent de la "musique avant toute chose" pour rendre plus belle la fête.
Les notes nous ont réjouis ou émus aux larmes quand les artistes ont déployé leurs talents.
Alors pour ce mois d'août, voici la petite musique verlainienne en hommage à ces doigts aux pouvoirs étranges :
" Le piano que baise une main frêle"
(PETRUS BOREL)
Son joyeux, importun, d'un clavecin sonore.
Le piano que baise une main frêle
Luit dans le soir rose et gris vaguement,
Tandis qu'avec un très léger bruit d'aile
Un air bien vieux, bien faible et bien charmant
Rôde discret, apeuré quasiment,
Par le boudoir longtemps parfumé d'Elle.
Qu'est-ce que c'est que ce berceau soudain
Qui lentement dorlote mon pauvre être?
Que voudrais-tu de moi, doux Chant badin?
Qu'as-tu voulu, fin refrain incertain
Qui va tantôt mourir vers la fenêtre
Ouverte un peu sur le petit jardin?
Paul Verlaine- Romances sans paroles.
"Ariettes oubliées",V
Voici une version musicale contemporaine (1997) de cette Ariette, dénichée sur You Tube, création de Julien Joubert et interprétée par un choeur aux voix que Verlaine n'aurait sans doute pas désavouées... Sensible et émouvant moment poétique!
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25 juillet 2013
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18:45
J'ai rouvert le vieux livre des Poésies de Federico Garcia Lorca, j'y ai relu le Poème du Cante Jondo .
Dans une de ses parties, le "Graphique de la Peterena", composée de huit courts poèmes sur la mort de la gitane , j'ai retenu celui-ci. Découvrez-le en écoutant la guitare flamenca de Don Cortes Maya.
LES SIX CORDES
La guitare
fait pleurer les songes.
Le sanglot des âmes
perdues
s'échappe par sa bouche
ronde.
Et comme la tarentule,
elle tisse une grande étoile
pour chasser les soupirs
qui flottent dans sa noire
citerne de bois.
et sa version originale en espagnol pour en goûter aussi la musicalité:
LAS SEIS CUERDAS
La guitarra
hace llorar a los sueños.
El sollozo de las almas
perdidas,
se escapa por su boca
redonda.
Y como la tarántula
teje una gran estrella
para cazar suspiros,
que flotan en su negro
aljibe de madera
Federico Garcia Lorca.
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11 juillet 2013
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09:14
Lu dans la chaleur d'une nuit d'été, ce poème de Yves Bonnefoy au si beau titre " Dans le leurre des mots" dont j'ai aimé l'évidente beauté.
Il est composé de deux parties : "C'est le sommeil d'été..." et "Et je pourrais..."
A lire dans son intégralité pour en goûter toute la subtilité et la portée, il est déjà séduction pure dans les trois premières strophes que voici:
I
C'est le sommeil d'été cette année encore,
L' or que nous demandons, du fond de nos voix,
A la transmutation des métaux du rêve,
La grappe des montagnes, des choses proches,
A mûri, elle est presque le vin, la terre
Est le sein nu où notre vie repose.
Et des souffles nous environnent, nous accueillent.
Telle la nuit d'été, qui n'a pas de rives,
De branche en branche passe le feu léger.
Mon amie, c'est là nouveau ciel, nouvelle terre,
Une fumée rencontre une fumée
Au-dessus de la disjonction des deux bras du fleuve.
Et le rossignol chante une fois encore
Avant que le rêve ne nous prenne,
Il a chanté quand s'endormait Ulysse
Dans l'île où faisait halte son errance,
Et l'arrivant aussi consentit au rêve,
Ce fut comme un frisson de sa mémoire
Par tout son bras d'existence sur terre
Qu'il avait replié sous sa tête lasse.
Je pense qu'il respira d'un souffle égal
Sur la couche de son plaisir puis du repos,
Mais Vénus dans le ciel, la première étoile,
Tournait déjà sa proue, bien qu'hésitante,
Vers le haut de la mer, sous des nuées,
Puis dérivait, barque dont le rameur
Eût oublié, les yeux à d'autres lumières,
De replonger sa rame dans la nuit.
Et par la grâce de ce songe que vit-il?
Fut-ce la ligne basse d'un rivage
Où seraient claires des ombres, claire leur nuit
À cause d'autres feux que ceux qui brûlent
Dans les brumes de nos demandes, successives
Pendant notre avancée dans le sommeil?
Nous sommes des navires lourds de nous-mêmes
Débordants de choses fermées, nous regardons
À la proue de notre périple toute une eau noire
S'ouvrir presque et se refuser, à jamais sans rive.
Lui cependant, dans les plis du chant triste
Du rossignol de l'île de hasard,
Pensait déjà à reprendre sa rame
Un soir, quand blanchirait à nouveau l'écume,
Pour oublier peut-être toutes les îles
Sur une mer où grandit une étoile. (...)
Yves Bonnefoy-1923-
( Le leurre des mots, publié dans le recueil Les planches Courbes - 2001)
Ed. Poésie/ Gallimard-2005
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6 juillet 2013
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Pas de thème pendant les mois d'été pour les Croqueurs de mots mais j' ai contemplé ce jardin enfin sous le soleil d'été
Un bonheur simple que j'ai eu envie de partager sur les paroles de cette chanson du regretté Georges Moustaki, poète sensible , pertinent et délicat. Écoutez-le chanter sur sa musique en ce paradis déjà presque perdu en 1970.
C'est une chanson pour les enfants
Qui naissent et qui vivent entre l'acier
Et le bitume entre le béton et l'asphalte
Et qui ne sauront peut-être jamais
Que la terre était un jardin
Il y avait un jardin qu'on appelait la terre
Il brillait au soleil comme un fruit défendu
Non ce n'était pas le paradis ni l'enfer
Ni rien de déjà vu ou déjà entendu
Il y avait un jardin une maison des arbres
Avec un lit de mousse pour y faire l'amour
Et un petit ruisseau roulant sans une vague
Venait le rafraîchir et poursuivait son cours.
Il y avait un jardin grand comme une vallée
On pouvait s'y nourrir à toutes les saisons
Sur la terre brûlante ou sur l'herbe gelée
Et découvrir des fleurs qui n'avaient pas de nom.
Il y avait un jardin qu'on appelait la terre
Il était assez grand pour des milliers d'enfants
Il était habité jadis par nos grands-pères
Qui le tenaient eux-mêmes de leurs grands-parents.
Où est-il ce jardin où nous aurions pu naître
Où nous aurions pu vivre insouciants et nus,
Où est cette maison toutes portes ouvertes
Que je cherche encore et que je ne trouve plus.
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27 juin 2013
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20:03
LE PEINTRE, thème de la poésie du jour donné par Brunô.
Voici ce que m'a inspiré ce "tableau" de J-B, mon petit-fils qui adore dessiner en classe...et partout!
LE PEINTRE DE CINQ ANS...
Ordres du jour: écrire et compter!
Mais Petit Jean à mieux à faire:
Il rêve
D' emplir le rectangle blanc.
Des dizaines de crayons lui font signe.
Dans sa tête, des images dansent en rond...
Les lettres molles et les chiffres raides
S'emmêlent, troublent sa fête.
Il les balaie d'un seul trait
Première esquisse d'instants magiques.
Déjà il est loin, il vogue,
il galope à bride abattue,
Vers ses fidèles compagnons.
Surgissent du néant, le pirate à l'oeil noir,
Zorro et le chat chevalier casqué,
Valeureux pourfendeurs de l'ennui.
Sous la bannière de Maître Jean,
En silence ils investissent
Le champ vierge du papier.
Victorieux et parés de couleurs,
Ils rebâtissent pour l'enfant
Un royaume à sa mesure.
Petit Jean sourit.
Du haut de ses cinq ans,
Il a décidé: Peintre je serai
Et l'école je fuirai!
MdP(27-6-2013)
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