Je viens de recevoir un beau cadeau, un cadeau inédit et à jamais unique: le concert des oiseaux -chanteurs du jardin de la Secrête.
         A moitié assoupie après un dur labeur, reposant dans ma chaise longue et donc parfaitement immobile, je me fondais dans le décor gris de la pierre chaude du mur quand le jardin jusqu'à maintenant silencieux, s'est mis à bruire de mille petits cris qui sortaient des grands arbres.
    Une voix pure s'est alors élevée au-dessus du chahut et a donné la note: un trille magnifique, repris aussitôt à des octaves et intervalles différents par les autres oiseaux. Pendant quelques minutes, ce fut un festival d'harmonies, d'envolées lyriques, de rythmes syncopés ou réguliers, de notes graves, aiguës ou stridentes. C'était à qui rivaliserait de virtuosité et d'originalité dans un crescendo toujours plus ample et puissant. Chacun avait trouvé sa partition dans cette symphonie improvisée. Puis l'ardeur s'est calmée un moment pour laisser entendre les grands airs des solistes...

     En pleine reprise d'un tutti- prestissimo, soudain, ils se sont tus...Avaient-ils entendu le cri dissonant de la buse ou perçu l'ombre planante d'un rapace?

     Le jardin est retombé dans sa torpeur avec juste une merlette à bec jaune sautillant dans l'herbe, à quelques pas.

Je reviens sans cesse sur ce cliché qui a fixé un instant unique où le ciel, la terre et l'eau ont crée, par leur osmose, cette vision fantastique de l'arbre tombé.
La surface parfaitement étale de l'étang, le mirage éphémère d'une créature étrange sortie des profondeurs, la lumière oblique qui sublime la scène au moment même où je passais par là ont composé un tableau, un cadeau  inattendu dont  je mesure le prix.
 



Au retour, au même endroit, je n'ai trouvé qu'un vieil arbre pourrissant et stagnant dans une eau vaseuse...


J'ai pensé à Rimbaud et à ses Illuminations:
"L'eau était morte. Les camps d'ombre ne quittaient pas la route du bois. J'ai marché réveillant les haleines vives et tièdes"(Aube)


(photo: M.A.S.)