Rappel: les consignes de Fanfan pour ce défi N° 56, à savoir un début d'histoire policière imposé, et l'obligation de répondre dans le texte aux questions:
1- Pourquoi la porte du frigo est-elle ouverte? 2- Pourquoi y a-t-il une chaussure à l'intérieur? 3-Pourquoi le grand-père est-il couché dans l'entrée?4-Que fait le parapluie dans le lit conjugal?5- Où est passée la grand-mère? 6-Pourquoi la bouteille est-elle vide?-7-où sont passées les casseroles?8-Qui adit que c'était impossible? -9 pourquoi lundi, -10-Que fait le chat chez les voisins?
Voici ma petite nouvelle:
Un soir d'orage, où le bruit du tonnerre se mêlait à un plastiquage, près de la maison de Dumé, une silhouette informe s'arrêta pour reprendre souffle et attendit un moment sous la marquise des K. , nos voisins.
Jean et moi étions cachés derrière les rideaux et nous respirions à peine , certains que le fuyard était l'auteur de l'attentat dont nous avions entendu la détonation quelques instants auparavant. Soudain, il disparut comme happé par la nuit qui était brusquement tombée : les éclairs maintenant zébraient le ciel , éclairant de façon fantômatique la rue devenue déserte.. . La pluie redoublait de violence, nous empêchant de sortir. Un cri effrayant venu des entrailles nous fit sursauter: Jean hurlait: "Là, là..." Puis il tomba lentement sur lui-même. Une ombre aux pupilles dilatées s'approchait en émettant des bruits comme des sanglots mêlés à des martèlements métalliques, comme des casseroles entrechoquées... Une créature de cauchemar, en armes de combat. Aussi mort que vif, je restai pétrifié. Je la sentis frôler mes jambes nues puis elle y enfonça des ongles acérés. D'instinct, je bondis, et oubliant ma frousse de la nuit, de l'orage et du type qui rôdait, je courus à l'extérieur, la bête toujours sur mes talons et hurlant comme un chat en rut jusqu'à ce que je m'engouffre dans l'entrée des K. dont la porte était béante. Je dérapai sur le sol rendu glissant par l'eau de pluie et je fis une sorte de vol plané. L'atterrissage fut largement amorti par un corps couché à même le carrelage, un corps ronflant en soufflet de forge. C'était le vieux K., le" grand-père". C'était son surnom, mais de petit-enfant, il n'en avait point...Bref, je le reconnus à son odeur caractéristique de malpropre, mais là c'était étrange, il sentait autre chose, un truc qui piquait le nez et me fit éternuer. Le pâle reflet des réverbères de la rue l'éclairait, grosse masse un peu visqueuse. Mais que faisait-il dans l'entrée, à cette heure-ci?.. le trousseau de clés dans une main, en pyjama ...et seul! Où était passée la "grand-mère", celle qui lui servait un peu à tout et ne le quittait pas d'une semelle?.
Mon sang ne fit qu'un tour! une histoire pas claire du tout s'était déroulée à deux pas de chez nous et nous n'avions rien vu!...Je me sentis investi d'une mission: résoudre cette énigme.
La "Bête" avait disparu, j'avais dû la semer, j'étais soulagé et mon esprit bouillonnait d'impatience à commencer l'enquête.
D'abord, un impératif, VOIR!
Je tâtonnais dans le noir jusqu'à trouver l'interrupteur: pas de veine, tout avait disjoncté!
Le vieillard sifflait maintenant "La Madelon" entrecoupée de hoquets écoeurants. Il fallait sortir d'ici au plus vite et je me dirigeai vers la cuisine située au bout du couloir car je savais pouvoir y trouver des bougies ou à défaut au moins un briquet ou des allumettes. En avançant, je heurtai une bouteille qui roula avec un bruit de vide: une partie du mystère était élucidée, le vieux s'était enivré, tout simplement! Pas de quoi fouetter un chat! j'étais déçu!...J'aurais voulu du plus croustillant.
Dans la cuisine, une bougie allumée était fichée dans une bouteille vide éclairant une scène hallucinante: la grand-mère, assise à la table, hébétée, fixant de son oeil borgne le frigo à la porte grande ouverte. Vide lui aussi! Vidé plus exactement , vu le nombre de cadavres de bouteilles et de canettes jonchant le sol devant, de nourriture sortant de paquets éventrés sauvagement, de fruits piétinés...L'odeur épouvantable ne venait pas de ces immondices, c'était cette fois encore, une odeur bizarre mais qui avait des airs de connu: la puanteur d'une chaussure mille fois portée!!!!! Effectivement, elle s'étalait sur une clayette, délacée , béante, arrogante! A la lueur vacillante de mon bougeoir sommaire que je tenais d'une main tremblante de fièvre et d'excitation, je vis dépasser un bout de papier sur lequel en lettres rouge- tomate on avait écrit:
" Lundi, première vengeance" et c'était signé d'une empreinte de patte de chat dégoulinante de sauce.
Je sortis en trombe de la pièce, m'engouffrant dans la porte entrebaîllée à ma gauche: une scène dont j'aurais pu rire si je n'avais été aussi terrifié, m'attendait: un type était installé au milieu du lit conjugal du vieux couple, en vainqueur, comme sur un trône. Autour de lui, les casseroles de cuivre de la grand-mère, étincelantes comme des trophées. Il brandissait un parapluie de l'ancien temps à la pointe d'acier à la manière d'une épée dans ma direction et me tenait sous la fascination de son regard vert vipérin. Je reconnus immédiatement la silhouette de la rue qui m'avait intrigué. Mais comment pouvait-il être à la fois hors de la maison des K et dans leur lit???
Je ne pipais mot, soutenant courageusement l'assaut de ses yeux, m'attendant au pire quand soudain, il éclata d'un rire suraigu à glacer le sang. "C'est moi , le Chat! tu me connais, le chat du voisin!, je suis allé te chercher chez toi tout à l'heure pour que tu sois le témoin de ma victoire! Tu seras ma seconde vengeance!" éructait-il comme s'il broyait les mots à la moulinette. Qu'allait-il m'infliger à mon tour? Je me taisais et je le sentais s'énerver...et je perdais pied, et j'allais tomber... Alors je lui ai dit: " Mais c'est impossible!"
C'étaient les mots de trop. J'étais perdu.
Quand je rouvris les yeux, une équipe de soins s'affairait autour de moi et un chat, celui des K., me regardait d'un air entendu et satisfait.
MdP.