"Un conte de fées drôle et émouvant au charme furieusement excentrique" indique la quatrième de couverture de ce roman publié en Angleterre en 2003 et traduit en 2009 pour les éditions françaises Héloïse D'Ormesson.
Effectivement, on prend du plaisir à lire les aventures de Fatima, bonne à tout faire, malchanceuse chronique qui part de son île chaleureuse de Djerba pour servir une vieille aristocrate ( la comtesse Merveil du Roc) et sa chienne Emma dans le très huppé seizième arrondissement de Paris. La fin optimiste et romanesque à souhait aisément prévisible et souhaitée par le lecteur- tant le personnage de Fatima dégage d'empathie et d'énergie pour faire face à sa nouvelle existence- n'est pas le véritable intérêt du récit, à mon sens.
Ce qui prime, c'est la galerie de portraits tous plus pertinents les uns que les autres, hauts en couleur et le tableau presque exhaustif du monde parisien avec ses quartiers chics ou très populaires, chaleureux et bigarrés ou guindés, le petit peuple des chambres sous les toits ou des salons
Dans l'immeuble de six étages du 34bis, avenue Victor Hugo, cohabitent des personnages très typés, parfois un peu caricaturaux, les nantis et ceux qui les servent . Se créent ici des relations inattendues ,souvent truculentes et qui disent avec humour combien les gens ont du mal à sortir de leurs préjugés ou de leurs attitudes de "caste". A côté, donnant comme de juste sur le trottoir, il y a le café-bar très vieillot comme ses tenanciers où se réunissent des habitués en mal de famille ou d'un lieu accueillant: on y parle, on suppute, on regarde les intrus, on y a sa place et ses consommations. En fait, même toujours ensemble, ils ne se connaissent pas, cachent leur vraie nature et leur histoire personnelle, les timides font les fanfarons. Sous leur convivialité apparente, de même que dans le vieil immeuble de pierre sous leur politesse désuète, ils sont tous terriblement seuls, avides d'attention et d'un peu d'humanité. On découvre des souffrances étouffées par une sévérité ou une résignation de "classe", des rêves inavoués et la misère cachée, la honte ou l'orgueil aliénant.
Mais ce n'est jamais triste parce que Fatima représente l'espoir et la porte de sortie pour Hyppolyte Suget,( le minable ex petit rat de l'opéra, ex-taulard), pour Hadley HadleyIII, écrivain en herbe ou pour la Comtesse. Elle est aidée par l'opulente Victorine qui distille le bonheur avec son grand rire et sa force de femme solide.
On pourrait s'amuser à décripter les noms des personnages tous signifiants comme dans les contes de l'enfance.
Les auteurs sont Anglais mais pour cette raison ils voient clair dans la vie française et l'écrivent avec leur humour particulier.