Roman de l'adolescence, ce livre est l'histoire d'une fille de quinze ans, Capucine,dite Capuche, d'un gars du même âge, Martin, de leur vie de collégiens, de leurs passions et de leurs fréquentations.
Ils sont dans la même classe mais s'ignorent: pour elle, il est le schtroumpf,"le genre de personne qu'il vaut mieux éviter de regarder au risque de baîller sans discontinuer", pour lui, elle est l'intello, la folle qui réclame des devoirs supplémentaires au prof d'histoire... Ce qu'ils ignorent surtout sur l'un et l'autre, c'est qu'ils sont également dévorés par des désirs taraudants qui accaparent leur énergie et leurs pensées. Capucine l'est, par ses fantasmes amoureux qui ont fini par se fixer sur son jeune professeur d'histoire, monsieur Martin, (François de son prénom) dont elle recherche constamment l'attention, allant jusqu'à rater ses contrôles pour se rendre intéressante avec l'idée de finir dans ses bras.
Martin, le cancre avachi, est bassiste et ne vit que pour sa musique et le concert qui permettra à son groupe de rock de gagner le tremplin vers l'enregistrement, la célébrité. Jo, sur la Fender égratignée du grand-père, Nath sur sa batterie et lui à la basse, répètent dans un garage lorsqu'il se surprend à chanter seul, à "prendre l'autoroute" devant les copains médusés. C'est décidé: Martin sera aussi le chanteur du trio le jour du concours au Chihuahua.
L'aventure, la grande, commence pour Capucine lorsque le prof d'histoire lance négligemment à celle-ci et à Lilly, sa copine, une invitation à aller écouter "Les Pierres Tremblantes": "Vous y allez vous aussi?". C'est l'émoi, l'exaltation, les folles rêveries jusqu'au jour J.
Le roman est alors envahi par la musique, la préparation du concert, la scène, le trac fou, la sublimation du dernier moment. On est à la fois dans la salle et dans la tête des artistes, des amoureux et des jurés du tremplin, dans les coulisses et sur la scène grâce aux va- et- vient narratifs entre le point de vue de la fille et celui du garçon.
Je ne veux pas dévoiler la suite des événements, ce serait ôter le sel de l'histoire...Elle est bien menée et elle sonne vrai, particulièrement vrai, pas seulement pour l'enchaînement des faits et la connaissance intime du milieu de la musique, mais surtout par le ton si juste des monologues intérieurs des jeunes ou des paroles qu'ils échangent.
-T'es pas calé, mec. Qu'est-ce qui t'as pris d'accélérer comme ça? on n'est pas aux Jeux olympiques, ma parole.
Je réponds pas . J'explique pas que j'ai pas pu bosser ma structure à cause d'une histoire de pâtes au pesto. En plus c'est pas vraiment vrai. Je ne suis pas à leur niveau, c'est tout.
Le trouble de Capucine après l'impro de Martin est magnifiquement rendu: Depuis la chanson sur la solitude j'ai le coeur qui mouille. (..) Les mots qui fusent en moi font mal au ventre, ils m'enserrent la poitrine, brûlent mon bas ventre et anesthésient mes jambes.
Les personnages "secondaires" sont eux aussi criants de vérité, en particulier les musiciens qui gravitent autour du trio dans une ambiance surchauffée et faussement désinvolte . J'ai un faible pour le professeur d'histoire, si justement dépeint avec ses trois personnalités adaptées à la classe, à la famille et à la musique et puis aussi pour Lilly, la nulle mais celle qui brille de ses paillettes dans le noir de la salle et puis aussi pour Charlotte qui bosse sur son lit son DAEU, et puis aussi pour...tous les autres! ...
En bref, un roman tonique et souriant, pas vraiment réservé aux adolescents qui peuvent s'y reconnaître, mais un roman qui saute allègrement par dessus les barrières de l'âge et des cultures pour parler avec humour et tendresse de la découverte de la vraie vie, de la musique qui parle au coeur et des premiers amours qui resteront à jamais gravés dans le secret de notre mémoire affective.
Editions THIERRY MAGNIER ISBN 978-2-84420-844-6
201 pages_ Publié en mai 2010.