Eh oui, je parle encore de Maud Lethellieux dans ce blog, un peu plus de quinze jours après la chronique de Dis oui, Ninon parce que je n'ai pas pu résister au charme de ce deuxième roman au titre si poétique D'où je suis, je vois la lune...et parce que j'avais tellement apprécié le premier que j'étais curieuse de celui-ci!
Comme il fallait s'y attendre, je l'ai lu d'une traite, fini à deux heures du matin parce que j'étais avec Moon, celle qui parvient à décrocher la lune, à écrire -bien- ,à publier son manuscrit, à séduire des lecteurs en dépit de conditions de vie spartiates. Elle a du courage, de la dignité et du talent, la petite Moon (j'allais écrire la petite Maud !...) qui vit de la vente de ses sourires dans la rue où elle crèche, dormant l'hiver à même le sol dans un emballage de réfrigérateur géant (j'aime l'humour noir de ce détail), emmitouflée dans sa couverture de vieux pulls attachés les uns aux autres et dans la crasse épaisse qui durcit sa parka et le reste de ses vêtements, crevant souvent de froid et de faim parce qu'elle préfère sa liberté au confort et à la pitié de l'AH (l'aide humanitaire) provinciale. Elle a des amis de galère: d'abord sa petite chienne Comète qui niche dans ses bras et partage son pain, le vieux couple au caddie Michou et Suzie, Boule, le costaud, et les kepons migrateurs; elle a un petit ami qui la délaisse pour des rêves de vie meilleure au chaud et à Paname, le beau Fidji et pour lequel elle veut écrire une histoire, la sienne, dont il lui a confié des bribes. Enfin , il y a Slam, en liberté conditionnelle, amoureux des livres et amoureux muet de Moon: premier lecteur de Moon, il croit en elle et la pousse à écrire et l'aide à publier. Tout ce petit groupe évolue dans la rue, dans un recoin d'une boutique de fleurs ou dans des squatts ou chez une grand-mère aimante. En contraste, il y aura les bureaux parisiens nickels et glacés, inhumains de la maison d'édition avec ses artifices et ses mensonges.
Moon écrit, écrit sans relâche sur un calepin volé, avec des bics volés, et s'invente un autre monde: celui de la Petite, de Fred et de Raymond le chien et le lecteur de Maud, ravi, retrouve l'univers du premier roman et plonge dans sa genèse: roman dans le roman, cette mise en abyme permet de suivre le processus de création, les affres et les inquiétudes, les rêves un peu fous de publication, les manuscrits tapés, rafistolés, détruits, refusés, corrigés, admirés ou dénaturés puis enfin publiés dans leur authenticité, la verdeur de l'écriture et l'élan de l'inspiration.
Ce livre, c'est sans doute l'histoire du premier et c'est bien d'entrer ainsi dans l'intimité de la création littéraire, mais il me parait surtout une fable formidable sur le pouvoir de l'imagination et le pouvoir des mots.
Je laisse la parole à l'auteur à sa dernière page:
(..) Je ne sais pas ce que je veux en fait, je voudrais juste continuer de marcher comme aujourd'hui, légère et solide à la fois, fragile mais avec les pieds bien à plat sur la terre, je voudrais continuer mon chemin avec ce sentiment d'être quelqu'un parmi les autres, une faiseuse d'imaginaire, une petite vendeuse à la sauvette qui a troqué ses sourires contre des mots.
Des mots qui ont bien voulu d'elle.
On n'attend plus que le prochain roman avec impatience! Continuez votre chemin...
Roman publié aux éditions Stock en mars 2010